Ci-dessous, une brève d’Euractiv.fr consacrée au rapport qu’André Gattolin a consacré à la recherche et à l’innovation, dans le cadre de la commission des affaires européennes
Bruxelles veut financer la recherche et l’innovation à hauteur de 80 milliards d’euros sur 7 ans. Mais les prises de position en faveur de la croissance ne résistent pas à la cure d’amaigrissement que les Etats veulent infliger aux dépenses européennes.
La compétitivité est un mot à la mode. En Allemagne, elle serait à l’origine des succès économiques du pays, alors que les pays du Sud, dos au mur, alignent les réformes supposées améliorer leurs performances. Plusieurs leviers existent, mais la tendance actuelle est de mettre les salariés à contribution. « De 1998 à 2010, le pouvoir d’achat de chaque salarié a baissé de 1%, tandis qu’il a progressé de 18% en France », notaient des sénateurs dans un rapport en juillet. D’autres pays, comme le Danemark ou la Suède, sont quant eux devenus la vitrine de la flexisécurité : conditions souples de licenciement et accompagnement renforcé des chômeurs. En France, la remise en cause du CDI n’est pas d’actualité, mais l’allègement du coût du travail occupe largement l’agenda du gouvernement.
Des objectifs européens encore lointains
D’autres solutions, certes moins plébiscitées en période de disette budgétaire, existent pourtant. « Il ne peut pas y avoir de compétitivité sans une augmentation des dépenses en recherche et innovation », relève Dominique Ristori, directeur général du Centre commun de recherche de la Commission européenne, dont les propos sont rapportés dans un rapport sénatorial rendu public le 1er août. D’ici 2020, l’UE compte investir 3% du PIB dans la recherche et le développement. Seuls le Danemark, la Finlande et la Suède atteignent voire dépassent cet objectif. Viennent ensuite l’Allemagne (2,82%), l’Autriche (76%) et la France (2,26%). D’autres pays accusent un retard important, à l’image de la Pologne (0,74%) ou de la Roumanie (0,47%). « La faiblesse de l’Europe en recherche et développement provient surtout du secteur privé », estime André Gattolin, sénateur écologiste des Hauts-de-Seine et auteur du rapport. « En France, les entreprises financent 51 % de l’effort de recherche, alors que cette participation atteint 73 % en Corée du sud et 78 % au Japon. » Dans son projet de réforme de la politique d’innovation, la Commission européenne tente de pallier cette lacune. A partir de 2014, les programmes cadre de recherche (appelés PCRDT) laisseront place à un autre dispositif, baptisé Horizon 2020. « L’évolution proposée vise à incorporer dans des programmes communs et des coopérations, chercheurs et entrepreneurs », résume M.Gattolin.
La France en faveur de coupes encore non chiffrées
Sur 7 ans, une enveloppe de 80 milliards d’euros pourrait être disponible, si les Etats l’acceptent, contre 58 milliards pour la période 2007-2013. « Les oppositions que l’on trouve entre tenants de la Politique agricole commune et ‘amis de la cohésion’ (les défenseurs de la politique régionale, ndlr) ne se retrouvent pas dans les débats sur la politique de recherche et d’innovation », estime le sénateur. L’an dernier, les montants annoncés avaient néanmoins déclenché l’ire du précédent gouvernement, qui avait sévèrement riposté : « La très forte augmentation des fonds consacrés aux dépenses dites de compétitivité est inacceptable », assénaient plusieurs ministères dans un communiqué commun en juin 2011. « Le fonctionnement et l’efficacité de cette politique sont contestés : augmenter le budget de cette politique, surtout dans une telle proportion, avant de l’avoir profondément réformée n’est pas envisageable. » La France a-t-elle depuis revu sa copie, sous l’effet de l’alternance politique ? Auditionné par les sénateurs le 18 juillet, le ministre des Affaires européennes Bernard Cazeneuve s’est voulu rassurant. La position du gouvernement est « claire », estime André Gattolin. « S’il est impossible d’aller au-delà du montant proposé par le Commission en raison des contraintes pesant sur les finances européennes, la France souhaite que ce budget soit préservé au niveau proposé. » Des conclusions optimistes qui tranchent avec la stratégie actuellement à l’œuvre : « La recherche, comme la politique de cohésion, font partie des rubriques dans lesquelles il va falloir réaliser des économies », fait-on savoir à la représentation française à Bruxelles, qui se refuse à avancer un quelconque montant.
Complexité décourageante
Les enjeux ne se limitent pas à la dimension budgétaire. Encore faut-il que les fonds puissent être facilement accessibles. Or, ces dernières années semblent avoir été marquées par un regain de complexité parfois très dissuasif. « Entre 1998 et 2000, nous avons pu émarger sur plusieurs campagnes visant à mesurer la performance énergétique de l’habitat », explique Olivier Sidler, ingénieur de formation et directeur de la société Enertech. Une enveloppe de 800 000 euros avait à l’époque été allouée par Bruxelles pour les projets qu’il portait avec 4 autres pays européens. Après plusieurs déconvenues, Olivier Sidler renonce aujourd’hui à revenir vers l’UE. « Je n’irai plus jamais vers ces projets », reconnaît-il. « Pour des petites structures comme la nôtre, le PCRDT est devenu très contraignant. J’ai plutôt l’impression qu’il sert désormais à accompagner les grands projets industriels. » Pour faire face à la complexité comptable et au montage de dossiers de subventions, l’expert en efficacité énergétique a dû affecter une voire deux personnes à temps plein au suivi des tâches administratives. « Financièrement, on risque de ne plus s’y retrouver. Et puis les règles européennes sont parfois inadaptées. Pour calculer le taux horaire des personnes rémunérées, Bruxelles ne prend en compte ni les taxes, ni les impôts. Mon informaticien me coûtait 500 euros par jour, quand Bruxelles arrivait à 298 euros. » Le sort de l’Institut européen de technologie Dans ses propositions, la Commission européenne propose de lever certains obstacles. « Jusqu’à présent, pour un même projet, il n’était pas possible de demander un soutien des fonds structurels et des fonds pour la recherche. Pour la période 2014-2020, ce sera désormais faisable », se réjouit le sénateur André Gattolin. Mais des incohérences demeurent selon lui dans la répartition des fonds. Bruxelles propose par exemple de multiplier par 10 le budget de l’Institut européen de technologie (IET), marotte du président de la Commission européenne, José Manuel Barroso. Les moyens financiers de cette institution, présentée idéalement comme le pendant européen du très prestigieux Massachussets institute of technology (MIT) seraient ainsi portés de 309 millions à 3,2 milliards d’euros. « La démarche de la Commission européenne paraît sur ce point maladroite. L’IET est encore jeune et n’a pas complètement démontré sa qualité et sa pertinence dans le paysage européen », estime l’élu des Hauts-de-Seine. En cause notamment, des effets doublons potentiels avec les actions déjà menées par les pôles de compétitivité pour travailler au rapprochement entre les universités et les entreprises.
Marie Herbet
Source : http://www.euractiv.fr/rapport-senat-appelle-preserver-budget-europeen-recherche-article
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