André Gattolin est intervenu mardi 2 octobre dans le cadre de la discussion, en hémicycle, du rapport sur l’application de la loi du 5 mars 2009 sur le « nouveau service public de la télévision ».
Seul le prononcé fait foi
Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Messieurs les Rapporteurs,
Chers Collègues,
Permettez-moi tout d’abord de souligner la très grande qualité et l’importance du travail des auteurs de ce rapport concernant la loi de mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
Ce document offre notamment un éclairage très pertinent sur la situation financière actuelle de l’audiovisuel public, et en particulier la fragilité de son mode de financement.
Cette insécurité provient en premier lieu des contestations devant la Cour de Justice de l’Union Européenne de la taxe sur les fournisseurs d’accès à Internet ; taxe supposée initialement compenser la suppression de la publicité entre 20h et 6h sur France Télévisions.
L’invalidation éventuelle, et pour tout dire fort probable, de cette taxe, laquelle était censée rapporter chaque année 350 millions d’euros, pourrait selon ce rapport coûter à l’Etat près d’un milliard d’euros.
Dans ces conditions, la question du financement de la réforme qui nous occupe aujourd’hui se pose cruellement.
En effet la redevance ou contribution à l’audiovisuel public, qui constitue historiquement la principale source de financement de la TV publique est menacée d’un déclin annoncé de son assiette fiscale telle que définie actuellement.
Celle-ci demeure en effet, à notre sens, trop étroite : elle exclut notamment les téléviseurs des résidences secondaires à un moment où le taux d’équipement des ménages dans ce domaine commence à régresser du fait de nouvelles pratiques qui conduisent un nombre croissant de personnes à suivre les programmes télévisuels à partir d’un terminal d’ordinateur.
Car si une augmentation du niveau de la contribution à l’audiovisuel public vient d’être annoncée par le gouvernement , celle-ci ne compensera guère plus que l’inflation et surtout n’est pas en mesure de contrebalancer la baisse de recettes de la télévision publique et notamment celle de France Télévisions dont les recettes seront amputées de plus de 80 millions d’euros dans le prochain budget.
D’autant que le rendement d’une autre taxe destinée à pallier la suppression de la publicité, la taxe sur la publicité des chaînes privées, s’avère bien plus faible que prévu.
Au lieu des 94 millions d’euros que l’Etat espérait récolter, ce ne sont finalement que 27 millions qui ont pu être prélevés en 2009 et des sommes encore moindres les années suivantes.
La raison en est que la seconde source de revenus de la télévision publique que constitue la manne publicitaire est aujourd’hui de plus en plus incertaine.
La suppression de la publicité en soirée sur le service public n’a d’ailleurs pas eu les effets escomptés sur les ressources des télévisions privées, ce qui explique pour partie le faible rendement de la taxe compensatoire qui leur était accolée.
Le contexte de crise économique que nous traversons actuellement a, en effet, des incidences fortes sur les investissements télévisuels des annonceurs.
Au premier trimestre de cette année, l’IREP évalue à 4,2 % le recul de la publicité sur les chaînes TV françaises et projette que, sur l’ensemble de 2012, la récession dans ce domaine sera d’environ 2 %.
En matière d’investissements publicitaires, les télévisions généralistes souffrent de la concurrence croissante des chaînes de la TNT et de la montée en puissance d’Internet sur le marché publicitaire.
Dans ce contexte concurrentiel exacerbé, on peut qualifier d’irresponsable la volonté de la précédente majorité d’avoir voulu, coûte que coûte, attribuer 6 nouvelles autorisations de chaînes commerciales sur la TNT.
En résumé, la télévision publique est aujourd’hui en proie à un effet de ciseaux inquiétant qui voit ses deux principales ressources décliner assez durablement.
De fait, on peut dire que la réforme de l’audiovisuel public de 2009 a été mal menée car conduite dans la précipitation.
Déjà à l’époque, notre collègue Marie-Christine Blandin avait insisté sur le fait que si nous saluions le principe de la suppression partielle de la publicité sur France Télévisions, une vigilance toute particulière était de mise quant aux modes de compensation financière qui allaient être instaurés.
Concernant la gouvernance de l’audiovisuel public, aucun modèle culturel n’a été véritablement défini et on ne peut pas dire que la qualité soit clairement au rendez-vous.
France télévisions souffre aujourd’hui d’une absence de véritable projet éditorial et de gestion stratégique de ses moyens et de son organisation.
Pour rationaliser son offre globale, FT avait opté il y a quelques années pour le principe d’horizontalité entre ses différentes chaînes. L’actuelle direction a remis de la verticalité (gestion par chaîne), mais sans opter clairement pour une des deux solutions.
Résultat : cette logique hybride d’organisation mêlant horizontalité et verticalité multiplie les centres de décisions entraînant un manque flagrant de contrôle des coûts opérationnels de la structure.
Le service public achète beaucoup de programmes à des sociétés de production internationale ce qui renchérit leurs coûts (les holdings prennent d’emblée environ 20% de marge avant la marge appliquée par la filiale locale de production).
Pour certaines émissions de France 2 et France 3, la marge des producteurs extérieurs atteint parfois plus de 40 % du prix de l’émission (au lieu de 15 à 20 % habituellement).
Est-ce normal ?
Pendant ce temps-là, nous découvrons dans la presse qu’une fusion des rédactions de France 2 et France 3 est soudainement envisagée et que certains n’hésitent à prescrire des coupes brutales dans les emplois et les moyens consacrés aux programmes régionaux de France 3.
Alors oui, dans le contexte budgétaire très difficile de la période actuelle, des économies sont à faire au sein de France Télévisions, mais celles ci ne se trouvent pas dans le cadre d’un amoindrissement des missions de service public.
Le groupe écologiste pense qu’il est temps de poser les questions de fond :
Comment l’audiovisuel public peut-il se distinguer du secteur privé ?
N’est-il pas temps de revenir sur l’externalisation massive de la production et de la création ?
Dans l’immédiat, commençons déjà par obliger la télévision publique à travailler uniquement avec des sociétés qui publient leurs comptes, ce qui aurait l’avantage de mettre en lumière les bénéfices exorbitants de certaines de ces structures et de les remplacer par des producteurs locaux ou nationaux tout aussi efficients et moins coûteux.
Par ailleurs, on peut craindre que derrière le fiasco annoncé de la « taxe télécom » à Bruxelles, se profile l’annonce d’un possible retour de la publicité après 20H.
Nous disons aux tenants d’un rétablissement de la publicité « N’en attendez pas trop ».
Par absence de véritable projet éditorial visant à satisfaire tous les publics, France 2 et France 3 ont vu leur audience singulièrement régresser auprès des actifs de 25-59 ans et auprès des femmes de moins de 50 ans.
Il s’agit des 2 principales cibles recherchées par les annonceurs et leur poids dans l’audience marchande de F2 et F3 a régressé de 50% en 3 ans.
Un retour de la publicité après 20 heures allègerait certes la facture, mais elle serait loin de représenter le même niveau de ressources d’avant la réforme de 2009.
En conclusion, nous voulons donc insister sur un point : la télévision publique française ne souffre pas seulement d’un sous-financement flagrant, mais elle souffre également d’une sous-gouvernance car trop souvent confiée à des dirigeants dont les compétences restaient à démontrer.
Il est urgent à notre sens que les pouvoirs publics s’attachent à remédier à ces deux problèmes lors des prochaines lois qui verront le jour dans ce domaine.
Je vous remercie.