Texte de mon intervention sur les capitales européennes en commission des affaires européennes et ma proposition de résolution sur ce sujet.
L’Union européenne a décidé de poursuivre sa politique des Capitales européennes de la Culture. Pour ce faire, un nouveau fondement juridique doit garantir une transition sans heurt en 2020 puisque le programme s’arrête en 2019 et que l’appel à candidatures doit être lancé six ans avant l’année où le titre de capitale est décerné, d’où le projet de décision du Parlement européen et du Conseil, qui institue une action de l’Union en faveur des Capitales européennes de la Culture pour les années 2020 à 2033.
Le titre de Capitale européenne de la Culture est attribué pour un an à une ville européenne, suivant une idée lancée le 13 juin 1985 à l’initiative conjointe de Melina Mercouri, ministre grecque de la culture, et de Jack Lang, ministre français de la culture. Le but était de rapprocher les citoyens de l’Union européenne et de célébrer la culture européenne. A tout seigneur, tout honneur : Athènes a été la première ville à obtenir ce titre.
Les Capitales européennes de la Culture s’insèrent dans un programme « Culture » plus large. L’actuel, qui couvre la période allant de 2007 à 2013, dispose d’un budget de 400 millions d’euros pour des projets et des initiatives destinés à mettre à l’honneur la diversité culturelle de l’Europe et à promouvoir son patrimoine culturel commun grâce au développement de la coopération transfrontalière entre les acteurs et les institutions du secteur culturel. Il a trois objectifs principaux : favoriser la mobilité transfrontalière des personnes travaillant dans le domaine de la culture, encourager la circulation transnationale des productions culturelles et artistiques, et promouvoir le dialogue entre les cultures des différents États membres. Pour atteindre ces ambitieux objectifs, il soutient les actions culturelles, les organismes culturels européens et les activités d’analyse et de diffusion. C’est dans le volet « soutien aux actions culturelles » que se trouve la rubrique « mesures spéciales », où figure l’appui aux Capitales européennes de la Culture.
Action communautaire à partir de 1999, le programme « Capitales européennes de la Culture » est devenu au cours du temps l’événement culturel le plus prestigieux et le plus visible de l’action culturelle de l’Union : 40 villes ont déjà reçu ce titre. Une ville n’est pas sélectionnée seulement pour l’emblème culturel qu’elle incarne, elle l’est aussi pour le programme culturel qu’elle accepte de mettre en oeuvre pendant une année. Lorsqu’une ville est nommée Capitale européenne de la Culture, elle se voit encouragée à mettre en valeur les traces de la richesse et de la diversité des cultures européennes sur son territoire, à célébrer les liens culturels qui l’unissent au reste de l’Europe et à faire se rencontrer sur son territoire des personnes de cultures européennes différentes. Tout le programme doit converger vers une plus grande compréhension mutuelle et renforcer un sentiment d’appartenance à la culture et à la civilisation européennes.
L’opération doit avoir des conséquences bénéfiques pour la ville en question, qui met un point d’honneur à régénérer le coeur historique de son territoire, à redynamiser sa vie culturelle, à renforcer son image internationale – des cités étaient tombées dans l’oubli après avoir changé de nom au cours de la tumultueuse histoire du XXe siècle -, à stimuler le tourisme ou encore le rayonnement de ses universités.
Depuis 2011, le Conseil des ministres de l’Union européenne décerne le titre de Capitale européenne de la Culture à deux villes chaque année, ce qui n’est peut-être pas une heureuse réforme, car elle crée une compétition ou un déséquilibre, ainsi du tandem Marseille et Kosice en 2013.
La procédure de sélection commence au moins six ans à l’avance, en fonction de l’ordre des États membres qui accueilleront l’événement. La ville, qui doit présenter une dimension européenne, s’impliquer dans la vie culturelle et artistique européenne, soumet un programme à un jury. Celui-ci vérifie que le programme proposé est adapté à la participation des habitants, qu’il présente un caractère durable, et qu’il fait partie du développement culturel et social à long terme de la ville. La candidate doit s’attacher à prévoir une participation publique à grande échelle capable de dépasser la seule population locale et qui s’adresse, en principe, à l’Europe toute entière.
Le jury examine aussi la gouvernance de la vie culturelle : il convient que la ville candidate dispose d’une structure solide, gérée par des personnes compétentes, indépendantes des pouvoirs publics, mais bénéficiant de leur soutien. Naturellement, le budget, fiable, s’accompagne d’un engagement ferme des autorités locales et nationales comme des partenaires privés, sans oublier une stratégie de communication.
Les États reçoivent l’événement à tour de rôle et, une fois ce nouveau texte adopté, le calendrier sera fixé jusqu’en 2033. Chaque État membre est responsable de la présélection des villes ; il forme un jury national, étudie les candidatures puis recommande la ville qu’il a choisie. Le jury européen de sélection comprend dix experts indépendants et à la compétence culturelle reconnue, désignés par le Parlement, la Commission et le Conseil (trois chacun) ainsi que par le Comité des régions (un). L’État membre transmet le dossier de la ville sélectionnée au jury européen. Chacun des États membres concernés convie les membres du jury européen et les représentants des villes à une réunion de sélection définitive, neuf mois après la présentation. Le jury européen examine les candidatures, rédige un rapport sur l’ensemble des candidatures et conclut dans ce rapport par une recommandation. Après que le Parlement européen a donné son avis, le Conseil des ministres de l’Union déclare les villes retenues.
Une fois la ville nommée Capitale européenne de la Culture, sa préparation est supervisée par un comité de sept experts. Si ce jury de suivi considère que la ville a appliqué ses recommandations, la Commission peut accorder à la ville un financement, le prix Melina Mercouri, doté de 1,5 million d’euros.
Après vingt-cinq ans, il est apparu que la difficulté la plus courante est d’ordre budgétaire : le budget de la ville subit trop souvent les contrecoups de la manifestation, en amont comme en aval, alors qu’il conviendrait au contraire qu’il reste stable. Le coût supplémentaire pour les budgets publics devrait essentiellement être couvert par le mécénat et la participation des intérêts privés, ce qui peut ne pas toujours être le cas.
Trop souvent, la dimension européenne du titre est peu perçue, voire occultée, au profit d’une simple opération de promotion touristique. Enfin, dans la plupart des cas, l’opération ne s’inscrit pas dans une stratégie à long terme ou celle-ci s’est révélée impossible à cause de la taille de la ville ou de sa situation. Souvent, il n’y a aucun lien entre les deux villes choisies et les deux capitales sont simplement juxtaposées : ce sera le cas pour Kosice et Marseille.
Ne conviendrait-il pas de recadrer les objectifs européens ? La politique des binômes ne donne pas lieu à une coopération suffisante : or, avec l’inflation du label, on se trouve dans la curieuse situation d’avoir deux capitales. Une réforme aurait pour corollaire le retour à une seule capitale par an.
Nous avons auditionné deux de nos collègues, Mme Blandin et M. Gaudin, sur les candidatures de Lille et de Marseille – nous irons dans la cité phocéenne le 19 décembre. Devant le grand succès de l’opération conduite en 2004, la ville de Lille a lancé Lille XXL, Lille 3000, Lille Fantastic. Cette pérennisation est à porter au crédit de « Lille 2004 ». Plus discutable, la structure spéciale créée pour 2004 concurrence les services culturels de Lille. Positif pour la ville, le succès d’audience de l’opération n’a promu une conscience culturelle européenne ni parmi le public ni parmi les artistes.
Marseille s’investissait dans la culture depuis une quinzaine d’années : 600 millions engagés ! Là encore, malgré la richesse du programme, la dimension européenne n’est pas très affirmée. On attend 10 millions de touristes contre 3 millions en moyenne. En revanche, les ouvertures vers Kosice n’ont pas été payées de retour.
En somme, il s’agit bien de capitale de la culture, mais rarement de capitale européenne de la culture. Ces opérations sont bénéfiques mais leurs coûts ne sont pas toujours contrôlés et déséquilibrent souvent pour plusieurs exercices les budgets des communes retenues. Il faudrait peut-être imaginer un projet où tous les États qui le souhaiteraient feraient jouer, au profit de la ville choisie, une forme de solidarité, afin que l’entreprise ne soit pas une simple opération marketing pour une année.
Je n’ai pas voulu préjuger de la suite de mes réflexions. Je m’interroge sur le tourniquet, ainsi que sur l’importance de la dimension européenne de cette politique. Nous avons désormais le choix entre une résolution ou un avis motivé.
Proposition de résolution: Resolution_CapitaleEuropeenne_2012_11_21