A l’occasion du débat concernant le projet de loi de refondation de l’école, André Gattolin a alerté le Ministre sur la multiplication des traitements numériques de données personnelles au sein de l’Education Nationale et la nécessité d’informer effectivement les parents de leur droit d’opposition. Il a également plaidé pour la levée du principe de sanction des directeurs d’écoles refusant de renseigner le fichier Base – élève ainsi qu’en faveur d’une nouvelle circulaire sur ce point.
Madame la Présidente,
Madame la Rapporteure,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
Cet amendement d’appel vise à encadrer strictement la multiplication des traitements de données à caractère personnel que l’on observe au sein de l’éducation nationale depuis 2007.
Chaque enfant est inscrit dans la Base élèves dès son entrée en première année de maternelle et se voit attribuer un « identifiant national élève », stocké dans un répertoire national des identifiants élèves, étudiants et apprentis. C’est ce numéro qui permet d’établir le lien entre les fichiers du primaire et ceux du secondaire, via le fichier AFFELNET. C’est ce numéro que l’on retrouve aussi dans le livret personnel de compétences numérique qui doit suivre chaque enfant tout au long de sa scolarité et de sa formation et s’intégrer au passeport orientation et formation. Ce livret permet de centraliser des renseignements extrêmement sensibles sur les enfants, puis sur les adultes, dans des serveurs académiques nationaux et même européens, tel le serveur Europass. Ces informations concernent les compétences et les incompétences, les rythmes d’acquisition et, par là même, les difficultés rencontrées par chaque élève au cours de sa scolarité et au-delà.
À l’égard de ces fichiers informatiques, les directeurs d’école sont considérés statutairement, au sens de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, comme les « coresponsables de traitement ». C’est en effet à eux et au directeur académique des services de l’éducation nationale, le DASEN, que les responsables légaux peuvent s’adresser pour exercer leur droit d’accès, de rectification ou d’opposition.
Ces droits restent largement inappliqués dans toute la France, par manque d’information. Le droit d’information des responsables légaux n’est en effet pas du tout effectif dans notre pays. Notre amendement a pour objet, en premier lieu, de renforcer le devoir d’informer les parents de l’existence de ces fichiers. Plus largement, nous rappelons qu’à aucun moment la création de ces fichiers n’a fait l’objet d’un débat parlementaire ou d’une réflexion éthique sur les potentialités et les risques que ceux-ci présentent au regard du respect des libertés individuelles. À aucun moment elle n’a été encadrée par la loi.
Au regard du respect des libertés individuelles, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies a recommandé à la France « que seules des données anonymes soient entrées dans des bases de données et que l’utilisation des données collectées soit régulée par la loi de manière à en prévenir un usage abusif ».
Certains enseignants, conformément à la Convention internationale des droits de l’enfant ratifiée par la France, ont refusé de renseigner le fichier Base élèves, encourant de ce fait des sanctions. Plusieurs tribunaux administratifs, tels que ceux de Montpellier et, tout récemment, d’Orléans et de Grenoble, ont annulé des décisions administratives sanctionnant – par des retraits de poste, des diminutions de salaire, des mutations d’office ou autres – des enseignants ayant refusé de renseigner la Base élèves.
Dans ce contexte, nous souhaitons que soit levé le principe de sanction à l’encontre des directeurs ayant refusé de renseigner le fichier Base élèves après opposition expresse des représentants légaux.
Au-delà de cet amendement, monsieur le ministre, nous souhaitons attirer votre attention sur la nécessité d’un moratoire sur l’utilisation de ce fichier, dans l’attente de la réalisation d’un audit officiel sur l’ensemble des fichiers existants.
Mme la présidente:
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Vincent Peillon, ministre:
Monsieur le sénateur, l’objet de la première partie de votre amendement est satisfait par les dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, que respectent scrupuleusement les traitements de données à caractère personnel de l’éducation nationale utilisés par les établissements scolaires, en matière tant de droit d’information que de droit d’opposition.
Ces traitements informatiques sont tous soumis à la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, et font l’objet d’arrêtés publiés au Journal officiel. Les directeurs d’école et les chefs d’établissement informent les parents d’élèves de la mise en œuvre de ces traitements, notamment lors de la mise à jour des fiches de renseignements administratifs.
L’articler 38 de la loi « informatique et libertés » donne à toute personne physique le droit de s’opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement. L’article 39 de la même loi donne également le droit d’interroger le responsable du traitement en vue d’obtenir confirmation que les données à caractère personnel font ou ne font pas l’objet de ce traitement. Une copie des données à caractère personnel est délivrée à l’intéressé à sa demande.
Dans ces conditions, je souhaite moi aussi que vous acceptiez de retirer cet amendement.