André Gattolin est intervenu en séance, le 26 juin et au nom du groupe écologiste, au cours du débat portant sur la loi de séparation et de régulation des activités bancaires.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la crise de 2008 a malheureusement donné raison à tous ceux qui prédisaient que la dérégulation de la finance aboutirait à quelque catastrophe d’ampleur. Depuis, nous sommes un peu plus nombreux à affirmer qu’il convient de rendre à la finance la mission dont elle n’aurait jamais dû se départir au profit de la spéculation, à savoir être un outil au service du fonctionnement de cette économie que l’on qualifie de « réelle ».
Dans ce système financier, les banques jouent à l’évidence un rôle central, et beaucoup d’entre elles mêlent activités de détail, consistant à recueillir des dépôts et à accorder des prêts, et activités d’affaires et de marché.
Dès lors, afin d’éviter que les dernières ne nuisent aux premières, la question de la séparation de ces activités s’est naturellement posée, de même qu’elle s’était fait jour aux États-Unis après le krach de 1929 : à l’époque, cela déboucha sur l’adoption du Glass-Steagall Act.
De fait, on constate que partout – aux États-Unis, en Angleterre, à la Commission européenne – des réformes visant à séparer les activités bancaires sont en cours. Tout le débat consiste maintenant à déterminer le périmètre et la nature précise de cette séparation.
Dans la mesure où le Gouvernement a fait le choix d’une réforme rapide, qui servira du coup probablement d’étalon à nos partenaires européens, les écologistes – nous l’avions dit en première lecture – espéraient que son ambition irait au-delà du seul cantonnement d’une partie de la spéculation réalisée pour compte propre.
Malgré tout, nous considérons que le projet de loi va dans le bon sens, d’autant que des amendements ont permis d’y introduire des dispositions qui nous tiennent particulièrement à cœur. Je pense en particulier à la publication, pays par pays, des données relatives aux implantations locales des banques. Ces données vont rapidement permettre aux pouvoirs publics, ainsi qu’aux citoyens, de s’interroger si d’aventure une banque réalisait des bénéfices faramineux au sein de filiales ne disposant que de quelques employés et sises opportunément dans des îles à la fiscalité clémente.
Cette disposition a été introduite en première lecture par nos collègues députés, non sans mal, une majorité ne s’étant dégagée qu’en faveur de la publication de trois des données concernées. Quelques jours plus tard, cependant, le trilogue européen relatif à la directive CRD IV s’est accordé sur une position plus ambitieuse, dont vous serez peut-être en mesure de nous dire, madame la ministre, ce qu’elle doit au vote des députés français. Toujours est-il que cette avancée européenne a suffi à convaincre le Sénat d’adopter, avec l’assentiment du Gouvernement, une nouvelle liste, enrichie, de données destinées à la publication.
Les écologistes ne cachent pas leur satisfaction qu’une idée jugée initialement irréaliste, pour ne pas dire farfelue, connaisse en quelques semaines un tel destin. Le Président de la République l’a lui-même reprise à son compte dans son allocution du 10 avril dernier… Enfin, l’Assemblée nationale en a encore élargi la portée en deuxième lecture, en l’étendant aux grandes multinationales.
Une autre avancée a également été introduite en deuxième lecture à l’Assemblée nationale : l’ébauche d’un FATCA européen. Le Foreign Account tax compliance act est une disposition de la loi américaine permettant un échange automatique, et non plus sur demande, d’informations relatives à la situation des contribuables. Cela concernera, par exemple, l’éventuelle détention d’un compte à l’étranger. Si un tel dispositif venait à être mis sur pied en Europe, il porterait un coup mortel au secret bancaire.
Je ne résiste pas au plaisir de rappeler encore une fois que seuls les écologistes avaient soutenu une telle mesure lors de la dernière campagne présidentielle. Nous nous réjouissons sincèrement aujourd’hui de constater que c’est devenu la position officielle de la France.
Autre motif de satisfaction : à l’issue de cette deuxième lecture à l’Assemblée nationale, il est désormais interdit aux banques, à la suite de l’adoption d’un amendement du groupe socialiste, de constituer des stocks physiques de matières premières agricoles dans le but d’exercer un effet significatif sur les cours. Pour nous qui avons œuvré au Sénat pour une meilleure régulation du marché des dérivés à sous-jacents agricoles, cette disposition est tout à fait bienvenue. Le fait qu’elle ne soit pas depuis longtemps en vigueur illustre l’absolue perte de sens qu’a connu la finance contemporaine au cours de ces dernières années.
Mon dernier point concerne les banques mutualistes et coopératives dotées d’un organe central. Lorsque celles-ci notifient à l’Autorité de contrôle prudentiel et de régulation la nomination des dirigeants de leurs différentes instances, le texte prévoyait que l’ACPR se prononce sur ces nominations, après avis de l’organe central. Cette procédure, que les écologistes avaient dénoncée avec force en première lecture au Sénat, bousculait considérablement l’équilibre subtil de la structure de ces banques, dont les instances émanent des sociétaires. Nous nous réjouissons donc à la fois que l’Assemblée nationale ait, comme nous, jugé utile de supprimer cette procédure et que le Sénat, à travers sa commission des finances, ait considéré que l’on pouvait en rester là.
Vous l’aurez compris, madame la ministre, mes chers collègues, les écologistes auraient préféré une réforme de l’activité bancaire plus achevée que celle qui nous est proposée. Pour autant, force est de constater que la discussion parlementaire aura été fructueuse : elle aura tiré le texte dans la bonne direction et elle nous aura donné satisfaction sur un certain nombre de points, dont je viens de vous proposer quelques exemples.
Pour toutes ces raisons, les écologistes, comme en première lecture, voteront ce texte.
Pour retrouver l’intégralité du débat et des amendements défendus à cette occasion par le groupe écologiste, voir le site du Sénat