André Gattolin est intervenu le 17 octobre au nom du groupe écologiste dans le cadre du vote du projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public.
Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mes chers collègues,
Nous voici donc aujourd’hui à étudier le projet de loi sur l’indépendance de l’audiovisuel tel qu’il ressort de la Commission mixte paritaire qui s’est tenue avant-hier soir avec nos collègues de l’Assemblée nationale.
Le texte qui en résulte est très proche de celui qui nous avions adopté au Sénat. Il entérine l’essentiel des apports de notre assemblée à cette loi, preuve s’il en était besoin de la justesse des amendements que nous avions approuvés.
C’est d’autant plus une gageure que, présenté en procédure accélérée, ce texte ne faisait pas l’objet d’une seconde lecture et qu’il nous fallait donc convaincre nos collègues députés de valider des aménagements importants sans qu’ils puissent être discutés par eux en séance publique.
Je dois souligner ici la grande solidarité des sénateurs lors de cette CMP et témoigner de l’esprit très constructif de nos collègues de l’opposition lors de cette discussion.
Plusieurs des amendements importants, proposés par le Groupe écologiste puis adoptés par la Haute assemblée, ont ainsi pu être validés.
C’est pour nous une source de grande satisfaction. Il n’y aura donc évidemment pas de suspens quant à notre vote positif sur ce texte.
Mais avant de parler de ces avancées, je voudrais revenir rapidement sur le sens général de cette loi et dire en quoi elle ouvre le champ à une véritable indépendance de notre audiovisuel public et, en particulier, de l’Autorité en charge de sa régulation et de la nomination – sous contrôle renforcé du Parlement – des présidents des société nationales de programmes.
Oui, le fait que le Président de la république ne nomme plus qu’un seul membre du CSA au lieu de trois précédemment – et même s’il s’agit du président de cette autorité – marque le signe d’une déshyperprésidentialisation du fonctionnement de nos institutions que nous saluons en tant qu’écologistes.
La nouvelle composition du CSA et le mode de désignation de ses membres lui permettront inexorablement de prendre sa pleine indépendance à l’égard du pouvoir politique.
En effet cette réforme, associée à l’adoption du quinquennat présidentiel en 2000, va faire que, quel que soit le Président de la République élu en 2017 qu’il soit de gauche, de droite ou d’ailleurs, et quand bien même ce dernier disposerait d’une large majorité à l’Assemblée nationale, il deviendra arithmétiquement impossible de bousculer la composition du CSA, même au travers d’un renouvellement de trois de ses membres qui n’interviendra qu’en janvier 2019.
C’est de fait une très bonne nouvelle pour la démocratie et pour l’indépendance de notre audiovisuel public !
Il faut aussi souligner que ce renforcement de l’indépendance ira de pair avec une exigence accrue de transparence et de bonne gestion de la part des groupes de l’audiovisuel public, notamment vis-à-vis des contrats passés avec les sociétés de production extérieures et au travers du contrôle approfondi des comptes internes : deux propositions également portées par le Groupe écologiste du Sénat.
Ces nouvelles obligations en matière de contrôle s’accompagneront également de la mise en place d’un audit par le CSA des résultats et des comptes des groupes au bout de 4 premières années de mandat de chacun de leurs dirigeants.
L’instauration d’une procédure de « tuilage » lors du renouvellement des équipes dirigeantes, sur le modèle de la BBC, s’inscrit dans cette même perspective.
Il garantira une plus grande continuité et un meilleur fonctionnement des groupes de l’audiovisuel public, en permettant que les passages de relais se fassent dans de bonnes conditions et en évitant certaines mauvaises pratiques jusque-là liées aux atmosphères de fin de règne en fin de mandat…
Enfin, il n’y a pas d’indépendance sans sources de financements pérennes.
Cela passe par le développement des ressources budgétaires, comme la revalorisation de la Contribution pour l’audiovisuel public, mais aussi le développement des ressources propres dont le champ est ouvert par l’amendement « Plancade » à travers l’idée d’un partage des droits audiovisuels récompensant les investissements faits par les chaînes en matière de programmes.
Le projet de loi a par ailleurs été enrichi par d’autres propositions du groupe écologiste.
Ainsi les usagers seront désormais représentés au sein des Conseils d’administration des groupes de l’audiovisuel public par le biais des associations agréées de défense des consommateurs.
On peut cependant regretter le rejet de l’instauration d’une lettre de mission, édictée par le ministère, qui fixerait les attentes de l’Etat actionnaire.
Cette feuille de route pluriannuelle aurait permis de fixer un cadre pérenne sur des questions aussi sensibles que les publics visés, la vocation généraliste des offres publiques de programme, le périmètre des sociétés en termes de canaux ou de stations et également les grandes orientations pour l’organisation de cette offre (mutualisation des moyens des chaînes).
Cette volonté de clarification des objectifs attendus apparait d’autant plus importante au regard des dérives financières révélées cette semaine par Le Canard Enchainé. et de la dégradation profonde du climat social qui s’installe actuellement à France-Télévisions.
L’actuel cahier des charges, qui sert de cadre à l’élaboration des projets des candidats à la présidence des sociétés nationales de programme, très développé en termes d’objectifs de production et de diffusion des oeuvres, demeure en revanche plus qu’elliptique concernant l’organisation de ses sociétés et les objectifs à tenir en termes de satisfaction des attentes et des besoins du public.
L’indépendance ne signifie pas l’irresponsabilité, mais au contraire une responsabilité accrue des acteurs qui, au nom du bien commun bénéficient de cette indépendance.
Cette logique devra absolument être confirmée, approfondie et précisée lors de la future loi portant sur l’ensemble de l’audiovisuel.
Je vous remercie.