André Gattolin, Sénateur, membre de la commission Culture, Education, Communication, est intervenu le lundi 25 novembres aux assises de la radio organisées par le Conseil supérieur de l’Audiovisuel et le Ministère de la Culture et de la Communication
Extraits
La ressource en FM ne peut évoluer qu’à la marge (iso-fréquences, etc..). Sauf à enlever les obligations de couverture du service public (sans doute encore trop de doublons France Musique, France Bleue et France Culture sur certaines zones). Sauf à supprimer les radios associatives qui ne remplissent pas de cahier des charges réellement associatif (bien difficile à définir en vérité). C’est un problème dans la monde de la FM, c’est que la mono-fréquence est impossible. On le doit à l’esprit tordu et centralisateur de notre administration publique qui a géré l’attribution et la planification des fréquences FM depuis Paris vers le reste du territoire, au lieu d’oeuvrer d’est en Ouest pour tenir compte de l’impact des zones frontalières…
La solution passe forcément par la radio numérique terrestre qui permet l’accroissement de l’offre de programmes et qui à terme est bien moins chère en coût de diffusion que la FM actuelle.Le problème est que les 4 grands groupes de radio visent à retarder et à empêcher le plus possible le développement de la RNT, notamment le principal (RTL) avec l’argument que la triple diffusion (Grandes ondes, FM et RNT) coûterait cher ! Plus de trente ans après l’ouverture de la FM, certaines ex-stations périphériques affirment que près de 20 % de leur audience se ferait en grandes ondes… Il y a là surtout une peur de voir le marché s’ouvrir et de voir naître de nouvelles concurrences.
La radio en France n’a qu’une audience cumulée jour d’environ 80 % de la population (contre 90 % en Grande-Bretagne avec une offre plus complémentaire et donc plus large). Le gâteau global de l’audience peut donc s’élargir, mais le problème des grands groupes est surtout de tenir leurs parts de marché publicitaire… Pas d’élargir la part globale d’audience du média. Et de fait, il n’existe pas de véritable politique commune de valorisation du média. Chacun joue dans son coin.
En réalité, la diffusion par la RNT est moins chère à long terme ; elle est moins coûteuse de celle du quasi-duopole TDF-Towercast. Des premiers appels d’offres ont été attribués par le CSA pour la RNT à Paris, Marseille et Nice, mais sans véritablement raisonnement national et avec trois logiques d’émetteurs différents pour les fameux Multiplex… Tout semble avoir été fait pour saborder la RNT. Le nouveau CSA a donc bien du pain sur la planche…
Comment les modes de financement de la radio s’adaptent-ils au contexte actuel : publicité, financement public, abondements aux radios associatives, recettes de diversification ?
Premier constat : La radio n’a – une fois sa couverture de diffusion optimisée – pas de coût marginal. Seulement des coûts fixes (diffusion, masse salariale, frais généraux) et variables (redevances Sacem et Spre). Les radios évoluent dans un paysage assez stable en terme de concurrence. Les fréquences sont attribuées GRATUITEMENT pour 15 ans et systématiquement (à de rares exceptions près) renouvelées pour 15 nouvelles années, d’où un paysage figé.
Seuls les rachats de radio peuvent modifier à la marge la concurrence. Les recettes principales des radios sont donc assez stables et bien sûr en corrélation avec leur audience. C’est donc, pour les radios commerciales, un bon business… Sans doute le meilleur des business si on le compare à celui des autres médias (presse, télévision internet). On a rarement vu dans le secteurs des médias en France des fortunes considérables se faire aussi rapidement et aussi notablement que dans le domaine de la radio !!!
Pour les associatives, le FSER (Fonds de Soutien à l’expression Radiophonique) est bien sûr trop léger. Moins de radios à l’utilité réelle nulle permettrait de mieux abonder les radios associatives qui fournissent un vrai programme sur leur zone de diffusion. Mais c’est de la dentelle…
Les recettes de diversification restent l’apanage des grands groupes avant tout. Sur le web, il y a une concentration des recettes pub sur les gros players. Les centaines de programmes des web radios, les podcasts ne sortent des chiffres marginaux que rarement. Ne pas oublier que la radio reste le média bien investi par le marché publicitaire en période de crise grâce à sa souplesse, sa réactivité et son prix économique.
La radio ne réclament pas d’investissements importants. On investit une fois au départ et après les coûts additionnels sont extrêmement marginaux.
Faut-il faire évoluer les bases de la régulation de la FM (catégorie, appels à candidatures, limitation de la concentration, de la mutabilité des autorisations, de la croissance externe) ?
Au delà de la RNT – seule voie possible pour le développement de la radio en France – la législation doit évoluer. Le seuil de couverture de population (150 Millions) est inutile aujourd’hui. Il a été instauré en 1986 et il n’est plus adapté à la situation d’aujourd’hui.La couverture globale d’un territoire ne garantit pas une audience minimale, sinon certaines stations du service public serait les rois du pétrole !
Aux Etats-Unis, un groupe n’a pas le droit de posséder plus de X radios sur un même bassin d’audience. C’est déjà une meilleure mesure de limitation.
Ce qu’il est nécessaire d’encadrer, c’est la part de marché des régies sur le marché publicitaire, en empêchant par exemple qu’une régie tienne sur un bassin plus de 50 % de part de marché publicitaire.
Sur les appels à candidature, il faut alléger les demandes pour les radios existantes. A quoi bon envoyer en 3 exemplaires des dossiers de 100 pages pour chaque appel avec statuts, programme, comptes etc… alors que le CSA a déjà ces éléments. La transmission une fois par an des données comptables, juridiques et programmatiques doivent suffire, les appels n’étant constitué que d’un Kbis à jour, des données techniques de diffusion et des annexes nécessaires aux conventions.
Sur la mutabilité des autorisations, il faut sortir de l’hypocrisie qui consiste à autoriser le rachat des sociétés qui détiennent les fréquences, mais pas les fréquences elles-mêmes. Il faudrait a minima que les autorisations soient transmissibles au sein d’un même groupe avec avis préalable du CSA, sans avoir besoin de procéder à des fusions internes.
Dans tous les cas, il faut doter le CSA de plus larges pouvoirs de régulation. La loi doit afficher des principes. Le CSA doit pouvoir organiser les choses comme il l’entend.
Le procès juridique pour la RNT, copié sur celui de la TNT, a démontré l’absurdité totale de laisser au législateur le droit d’entrer dans le détail organisationnel.
Concernant la régulation proprement dite du secteur, le CSA est démuni. Il possède à la fois l’arme atomique (retrait de l’autorisation d’émettre), mais qu’il est incapable dans les faits de mettre en œuvre, et un droit d’admonestation sans possibilité d’infliger des amendes ou des sanctions intermédiaires.
Quand une station enfreint les règles à plusieurs reprises, le CSA est aujourd’hui impuissant.
Le paiement de droits de mutation sur les rachats de fréquences pourrait être aussi une piste pour limiter l’accaparement par quelques-uns de la valeur économique des fréquences, bien public.
C’est le sens de l’amendement que nous avons voté au Sénat vendredi soir dernier qui prévoit justement de prélever des droits de mutation lors de la revente d’une fréquence.