Mon intervention dans le débat sur l’industrie agro-alimentaire: Premier producteur européen, 4ème exportateur mondial, un chiffre d’affaires global estimé à plus de 160 milliards d’euros, 600.000 personnes employées, plus de 13.000 entreprises travaillant sur ce secteur ; face à ces chiffres, nous ne pouvons qu’être fiers de l’industrie agro-alimentaire française. Ce tableau élogieux cache cependant des réalités parfois bien plus sombres.
Il est ainsi impossible de passer sous silence la crise de la filière porcine qui dure depuis plusieurs années et qui, malgré les efforts déployés, ne semble pas en passe de se résoudre.
Nous avons laissé la qualité de nos productions se dégrader en adoptant comme seule vision les volumes de production, la minimisation des coûts et la standardisation.
Les saisonniers français vont même maintenant s’approvisionner à l’étranger pour trouver des porcs adaptés à la production de jambon sec. On importe des produits à plus forte valeur que ceux que nous exportons !
Il est urgent d’opérer une transition qualitative pour redresser la filière, cela commence par mettre les porcs sur la paille, pas les éleveurs.
Le secteur laitier est également en crise. Cette situation est en passe de s’aggraver lourdement avec la suppression des quotas au 1er avril prochain, et ce n’est malheureusement pas un canular…
L’organisation européenne des producteurs laitiers, le European Milk Board enjoint les décideurs européens à mettre en place un « programme de responsabilisation face au marché » pour contrer une éventuelle catastrophe.
Ce programme obligerait les producteurs augmentant leur production en dépit d’une saturation des marchés à payer une taxe, tandis qu’il accorderait une prime à ceux réduisant leur production.
Ce système de régulation pourrait éviter une surproduction massive du marché dans un contexte baissier.
En ce cas, pourquoi le système des quotas a-t-il été abandonné, alors qu’il avait montré son efficacité en stabilisant le marché ?
De même, la fin du système de négociation du prix par l’ensemble des acteurs de la filière, sans qu’il soit remplacé par un autre mécanisme, a pour effet d’étrangler les producteurs.
Une augmentation des marges des distributeurs est observée au détriment des producteurs, ce qui n’est d’ailleurs pas un problème spécifique au marché du lait.
Nous avons la chance, en France, de posséder un outil productif de très grande qualité, des savoir-faire reconnus dans le monde entier, une culture alimentaire et culinaire classées au patrimoine immatériel de l’humanité.
Nous devons être à la hauteur de cette réputation et rechercher inlassablement la qualité de nos productions plutôt que les volumes de production ou la baisse des coûts.
Notre agriculture, qui est à la base de l’industrie agroalimentaire, est en pleine mutation, transformation que nous devons accompagner. C’est d’ailleurs le sens de la loi d’avenir pour l’agriculture d’octobre dernier que vous avez portée monsieur le ministre.
Nous sommes à un tournant économique, écologique et climatique : les choix que nous opérons en ce moment sont lourds de conséquences, positives comme négatives.
Globalement, le fond de mon propos tient en 4 mots : Indépendance, Relocalisation, Agro-écologie, Gouvernance Alimentaire.
Indépendance, car malgré la puissance de notre agriculture, nous ne sommes absolument pas auto-suffisants sur le plan alimentaire.
A titre d’exemple, 1 millions d’hectares de terres en Amérique latine servent à faire pousser du soja pour nourrir les élevages intensifs en Bretagne.
Relocalisation, aujourd’hui comme hier un pot de yaourt peut toujours effectuer 5.000 km en camion avant d’arriver sur notre table.
Les circuits courts, l’agriculture bio, les fermes de proximité sont bien plus intensives en emploi et bien plus respectueuses de l’environnement que la monoculture.
L’agro-écologie, vous avez contribué à populariser ce terme, Monsieur le Ministre.
Nous avons préféré mettre des chimistes dans les champs. Mais ce sont les agronomes qui vont nous permettre de restaurer des sols riches et vivants, en diminuant drastiquement la quantité d’intrants chimiques que nous épandons.
Il faudra réfléchir à la manière de rémunérer les services écosystémiques rendus par les sols, et par l’agriculture en général afin d’accélérer la transition indispensable que nous appelons de nos vœux.
Nous devons suivre le nouveau modèle agricole promu par la réforme de la PAC dont l’objectif est d’aider d’abord les exploitations de taille petite et moyenne; les « fermes usines » sont donc à bannir.
Je renouvelle ici la demande formulée par mon collègue Joël Labbé, à deux reprises devant vous en séance, d’obtenir un chiffrage financier précis du coût des externalités négatives de l’agriculture industrielle classique, et des bénéfices que nous retirons des externalités positives d’une agriculture basée sur les principes de l’agro-écologie.
Enfin je voudrais souligner la nécessité d’une véritable gouvernance alimentaire mondiale.
Nous ne pouvons plus continuer de tolérer la spéculation financière sur les denrées alimentaires, nous ne pouvons plus tolérer que certains pays soient dépossédés de leurs terres, celles-ci étant vendues au plus offrant à défaut d’avoir les moyens de l’exploiter eux-mêmes.
Monsieur le Ministre, pour conclure, je voudrais évoquer la décision que vous avez prise de réduire de 25% les aides au maintien en agriculture biologique pour 2014. Parce qu’elle fait le choix de ne pas dégrader notre environnement commun, l’agriculture biologique est davantage soumise aux aléas de production que l’agriculture chimique. Si les aides de long terme à l’agriculture biologique sont elles-mêmes soumises à des aléas, le soutien à cette filière dont le Gouvernement se prévaut perd tout son sens. Votre ministère évoque dans la presse « des contingences techniques ». Il est crucial, Monsieur le Ministre, d’y apporter une réponse politique. Les quelques millions qui font défaut ne doivent pas peser sur cette filière d’avenir fragile. Les écologistes comptent sur vous.
Je vous remercie. »