Je suis intervenu ce 7 mai, en séance publique au Sénat, dans la discussion générale sur le projet de loi Accord d’asociation UE-CEEA et Ukraine
« Je tiens tout d’abord à saluer chaleureusement la présence dans nos tribunes de deux membres du Rada, le Parlement ukrainien, venus spécialement à Paris pour suivre nos débats.
Car il faut le rappeler, c’est dans un contexte géopolitique qui reste extrêmement tendu que nous débattons aujourd’hui de ce projet de loi autorisant la ratification de l’accord d’association entre l’Union européenne et ses Etats membres d’une part, et l’Ukraine d’autre part.
Le groupe écologiste votera naturellement en faveur de ce texte.
En effet, nous croyons sincèrement que cet accord constitue une base pertinente sur laquelle nous pouvons consolider nos relations avec l’Ukraine.
Nous estimons que ce serait une grave erreur que d’ignorer le choix libre d’un peuple européen de se rapprocher de valeurs si chères à l’Union que sont la démocratie, l’Etat de droit et le respect des libertés fondamentales.
Nous saluons donc ce texte qui s’attèle à renforcer le dialogue politique et les relations commerciales avec l’Ukraine.
En ce qui concerne le volet « accord de libre-échange complet et approfondi », les réserves que nous pourrions avoir sur certains points spécifiques ne doivent pas nous empêcher de considérer que dans le contexte si particulier du moment une telle intégration économique constitue globalement une réponse adaptée aux impacts provoqués par les embargos russes sur l’économie ukrainienne.
Cet accord prévoit également une coopération en matière de nucléaire civil.
Certes, pour nous écologistes, il s’agit-là d’une source d’énergie que nous considérons comme ni propre, ni sûre, mais, faute de mieux, cette disposition permettra a minima de réduire les risques, vu le caractère vieillissant du parc nucléaire ukrainien.
Il permettra aussi desserrer le lien de dépendance vis-à-vis de la Russie en matière d’entretien des centrales nucléaires et du site de Tchernobyl.
Je relève également que la sécurisation du réseau ukrainien de transit de gaz naturel permettra à l’Union européenne de sécuriser son propre approvisionnement énergétique.
Dans cette période de transition que traverse l’Ukraine, l’Union européenne peut devenir un véritable élément stabilisateur, en accompagnant le processus de réformes.
Elle l’a déjà prouvé à de nombreuses reprises ces derniers mois, sur le plan diplomatique.
Car il existe aujourd’hui une réelle volonté politique ukrainienne de mener de grandes réformes.
Certains de ces chantiers ont ainsi déjà débuté, et c’est là un signal fort encourageant.
Nous ne pouvons que nous en féliciter !
Bien sûr, le processus de réformes encore à engager pour consolider la démocratisation du pays prendra du temps et la France comme l’Union européenne se refusent, pour l’instant, à envisager la possibilité d’une intégration pleine et entière de l’Ukraine au sein de l’Union.
Néanmoins, et devant l’ampleur d’un défi qui n’est rien moins que la mise en œuvre d’un processus de réelle dé-soviétisation et de dé-post-soviétisation, nous croyons que l’Union européenne et ses Etats membres ne doivent pas avoir peur de voir plus loin et d’aller plus loin en ouvrant le plus rapidement possible le processus d’adhésion de l’Ukraine à l’UE, seule mesure permettant d’assurer un cadre et un calendrier appropriés aux indispensables réformes.
Enfin, et cela dépasse naturellement le strict cadre du présent projet d’accord d’association, l’Union européenne et ses Etats membres doivent à très court terme relever un autre type de défi :
celui qui consiste à contrer les campagnes de désinformation massives actuellement menées par la Russie.
L’Union est d’ailleurs très préoccupée par cette manipulation de l’information.
D’ailleurs, sa Haute Représentante, Madame Federica Mogherini, élabore en ce moment et en prévision du prochain Conseil européen de juin, un important plan d’action sur la communicationstratégique à avoir.
Au niveau citoyen, je veux au passage saluer ici la belle et très sérieuse initiative de plateforme collaborative des étudiants de l’école de journalisme de Mohyla à Kiev, qui depuis plus d’un an s’attèle, au jour le jour, à déconstruire et contrer la désinformation russe.
Car l’usage intensif des outils numériques et des réseaux sociaux par le Kremlin pour diffuser sa propagande dans les médias créé un véritable désordre.
Je partage pleinement l’avis du rapporteur, notre collègue Daniel Reiner, quand il affirme qu’il faut absolument démentir ce qui est infondé et met de l’huile sur le feu.
Ainsi, il est faux d’affirmer que la ratification de cet accord avec l’Union européenne ait pour conséquence d’empêcher tout autre partenariat commercial de l’Ukraine, par exemple avec la Russie ou encore l’Union eurasiatique.
Et il est faux aussi d’affirmer que l’Union négocie sans tenir compte de la position russe, en particulier lorsque celle-ci à accepté de reporter au 1er janvier 2016 l’entrée en vigueur du volet commercial de l’accord.
Des consultations trilatérales sont ainsi organisées pour identifier les problèmes posés à la Russie.
De ce point de vue, la nouvelle demande des autorités russes de reporter au 1er janvier 2017 l’entrée en vigueur de l’accord semble démontrer que les autorités russes rencontrent quelques difficultés à identifier leurs problèmes.
Pour conclure et resituer une dernière fois l’importance de l’enjeu ukrainien pour l’Europe, je me référerai à l’étymologie même du mot Ukraine.
En ukrainien comme en russe, je veux rappeler ici que « ukraine » signifie « région située à la frontière », mais cela ne peut constituer un alibi pour estimer qu’elle serait condamnée à rester entre deux mondes, manière commode pour nier la vassalisation de fait qu’implique cette perspective.
Au cours des 18 derniers mois, les Ukrainiens on démontré la force et la détermination de leur choix en faveur de la démocratie, de l’Etat de Droit et de la participation au projet européen.
Leur combat est un magnifique combat.
Et je crois sincèrement qu’il doit être aussi le nôtre.
Je vous remercie.»