André Gattolin intervenait ce 19 novembre en hémicycle dans la discussion de l’article 22 du projet de loi de finances pour 2016. Ci-dessous le texte de son intervention (seul le prononcé fait foi) :
« Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Chers collègues,
Nous poursuivons ce premier jour de marathon budgétaire, avec l’examen de l’article 22, relatif au prélèvement sur recettes au profit du budget de l’Union européenne.
Je tiens avant tout à féliciter, moi aussi, notre collègue, François Marc, pour la qualité et la précision de son rapport.
Comme il a été rappelé par les précédents orateurs, ce prélèvement est estimé à 21,5 milliards d’euros, et témoigne donc d’une tendance continue à la hausse.
Rappelons également que cette légère hausse pour 2016 s’explique en grande partie par l’acquittement rétroactif d’environ 900 millions d’euros de corrections et de rabais forfaitaires accordés à certains Etats membres au titre des années 2014 et 2015.
Aujourd’hui plus qu’hier, nombreux sont ceux qui doutent de l’Europe. Nombreux sont ceux qui estiment qu’il faut donner raison aux murs, au retour des frontières intérieures et au repli national.
Aujourd’hui, plus qu’hier encore, ces mots ont une résonance grave, et la peur peut facilement leur donner raison. Mais ce n’est pas une solution, et surtout, il s’agit d’une solution contre-productive, et dangereuse.
En tant qu’Européen convaincu, je ne me lasserai jamais de vous le répéter, l’Union européenne est notre avenir, et notre rempart, à condition bien sûr de lui donner l’impulsion politique et la solidarité requises, et à condition que nous la dotions d’un budget digne de ce nom.
Les défis d’ampleur, multiples et complexes auxquels nous devons faire face sont connus. Et les besoins budgétaires pour les affronter sont d’une taille inédite.
Vendredi dernier, la procédure de conciliation menée par les institutions européennes a abouti à un compromis sur le budget européen 2016, qui doit encore être voté dans les jours prochains.
Certes, il en ressort une volonté de relever les défis qui se présentent à l’Europe. Néanmoins, ce budget demeure serré et incohérent, et n’est pas à la hauteur des enjeux.
Il tente ainsi de répondre à l’objectif de reprise de la croissance en Europe, puisque l’emploi et la compétitivité comptent parmi ses postes de dépense prioritaires, faisant ainsi suite et complément au plan Juncker.
Mais il y a aussi la crise des réfugiés, dont le budget s’élèverait ici à 4 milliards d’euros, tant pour les Etats membres, ainsi que pour aider les pays de provenance à y faire face.
A cela s’ajoute le défi de la lutte contre le changement climatique, dont l’ampleur ne semble pas être bien prise au sérieux par l’Europe. Nous avons un rôle moteur et d’entraînement à jouer, et cela me surprend de voir que l’instrument financier pour l’environnement et l’action pour le climat ne sera doté que de 3,4 milliards d’euros pour la période 2014-2020.
Et enfin, tout aussi difficile et urgent, la lutte contre le terrorisme. Suite aux événements de janvier dernier, l’Europe a appelé à une plus grande coopération européenne comme internationale.
Aujourd’hui, nous voyons bien que les actions de ces derniers mois n’ont pas été suffisantes, puisqu’elles n’ont pas pu empêcher la tragédie de la semaine dernière de se passer.
Ce renforcement de la coopération policière et judiciaire nécessaire, que la France réclamera demain lors d’un conseil extraordinaire des Ministres de l’Intérieur à Bruxelles, est urgent. Et surtout, il doit disposer enfin d’un budget adéquat, au regard non seulement de la menace que constitue Daesh, mais aussi au regard de la criminalité internationale et du trafic d’armes qui lui sont intimement liés.
Et pour cela, une hausse de 13% seulement du budget d’Europol sur la période 2014-2020 me semble terriblement insuffisante !
Dans un rapport d’information d’avril 2014 que j’ai mené, à la demande du président Sutour, avec nos collègues, Colette MELOT, Dominique BAILLY et Pierre BERNARD-REYMOND, sur les perspectives d’avenir d’EUROPOL et EUROJUST, nous avions déjà pointé du doigt cette défaillance.
Au regard de l’extension constante des champs d’intervention, le budget, quasiment constant, de ces deux agences centrales dans la lutte contre le terrorisme, me paraît totalement aberrant.
En ce qui concerne le système des ressources propres, celles dites traditionnelles, et surtout les droits de douane, seront amenées à être de plus en plus limités, puisque nous signons de plus en plus de traités de libre-échange. Et si la Chine obtenait le statut d’économie de marché à l’OMC, les conséquences seraient aussi fortes.
Il ne nous est donc plus permis de différer une remise à plat du système actuel de financement. Il est aussi urgent de doter l’Europe de nouvelles ressources propres. C’est aussi par ce biais, que nous lui permettrons de faire face à tous ces défis si complexes.
Redonner du sens politique à l’Europe nécessite aussi de redonner confiance au citoyen européen, en renforçant la lisibilité et son accès aux informations budgétaires.
Le citoyen est aussi en droit de savoir quel est l’impact budgétaire et économique des condamnations de la France par la Cour de justice de l’Union, pour violation des normes du droit européen.
Je ne développerai pas ici ce point, car je déposerai en ce sens un amendement, afin de demander un rapport annuel consolidé sur cette question.
Pour finir, je rappellerai que pendant près de 30 ans, Emile NOEL, ce grand européen un peu oublié et qui a été le premier secrétaire général de la Commission européenne, s’est battu contre une lecture cantonnée à la seule contribution nette nationale et au solde net de la France, car il l’estimait contraire à l’esprit communautaire.
Malheureusement, aujourd’hui et depuis les années 90, j’ai le sentiment que cela est devenu l’alpha et l’oméga de toutes nos discussions.
Je crois que nous devons sortir d’une telle vision, car c’est ainsi, que l’on accroît le ressentiment envers l’Europe.
Cette lecture purement comptable de l’Europe est dangereuse, et ne permet pas de comprendre les dynamiques économiques que crée l’Union, en dehors du seul cadre national.
En dépit de toutes ces interrogations, parce qu’il n’est pas question de bloquer le mécanisme européen, parce que le groupe écologiste est profondément attaché à l’Europe, nous voterons ledit article malgré toutes ces critiques.
Je vous remercie. »