Le Sénat examinait ce jeudi la PPL relative à la « modernisation » des règles de l’élection présidentielle. L’occasion pour les écologistes d’affirmer leur opposition à ce texte qui, notamment en son article 4 qui supprime l’égalité strice de temps de parole, ne répondent pas selon eux aux attentes des Français.
Présidentielle : une loi de conservation plus… par AndreGattolin
Le texte de l’intervention d’André Gattolin dans la discussion générale :
« Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues,
je veux dire en préambule que les écologistes contestent suffisamment la Ve République et sa concentration des pouvoirs pour, bien évidemment, souhaiter modifier les règles concernant sa clé de voûte, c’est-à-dire l’élection présidentielle.
Pourtant, à un peu plus d’un an de ladite élection, alors que les primaires, qui en constituent désormais le prologue, sont engagées, une telle démarche laisse perplexe. Il sera d’ailleurs difficile d’empêcher les citoyens, nos concitoyens, d’y soupçonner quelque calcul politique désespéré de dernière minute. Malheureusement, le contenu du texte n’est pas de nature à les rassurer.
Ainsi, comme toujours, derrière un beau titre et un discours de bon aloi sur la modernisation, on cherche surtout à masquer une logique de simple ravalement, qui n’est pas toujours inspirée par des intentions nobles politiquement. Cette logique vise plus la conservation des positions acquises que la modernisation telle qu’elle est attendue par le corps citoyen.
Finalement, si j’évalue l’impact possible de cette proposition de loi organique, notamment au regard de la discussion autour de l’équité et de l’égalité imposée par l’article 4, il me semble que l’on vise à favoriser les formations politiques dominantes et les candidats qui en sont issus dans la répartition du temps de parole lors de la période intermédiaire précédant la campagne. Naturellement, une telle disposition va conduire à réduire l’exposition des petits candidats, du moins ceux qui sont présentés comme tels, et des candidats émergents.
À mon sens, c’est là un vrai problème. Pour avoir été sondeur et analyste politique pendant de nombreuses années, j’ai pu constater une demande extrêmement forte de nos concitoyens, réaffirmée dans les sondages publiés récemment, notamment en janvier par le CEVIPOF, d’un renouvellement du corps politique et de la vie politique.
Dans toutes les enquêtes préélectorales et postélectorales que j’ai pu réaliser dans ma carrière professionnelle à l’occasion d’élections présidentielles, je puis vous dire que les gens étaient heureux d’avoir une offre très diversifiée au premier tour. Cela ne veut pas dire qu’ils soutenaient ces candidats, mais entendre et voir mis en scène un certain nombre de nouveaux acteurs de la vie politique était important pour eux. Or seule l’élection présidentielle, dans le cadre de nos institutions, permet de satisfaire ce désir.
Vouloir réduire l’offre sans tenir compte de ce souhait conduit à un système de reproduction. Nous sommes dans un pays fou, où pendant longtemps les candidats qui réussissaient le mieux à l’élection présidentielle étaient ceux qui avaient échoué les fois précédentes. Le candidat battu se représentait et progressait, parce qu’il avait acquis une notoriété lors des précédents scrutins, et donc une couverture médiatique plus élevée, une sorte de référencement.
Je signale que la modernité ne s’est imposée qu’en 2002, non pas en raison du résultat du scrutin, mais parce que, pour la première fois, les Français ont commencé à moins voter pour les candidats qui se représentaient à l’élection présidentielle. Et nous allons de plus en plus dans ce sens.
Or ce que le Gouvernement et la majorité de l’Assemblée nationale nous proposent, au nom d’une prétendue modernité, vise à entériner le droit et le pouvoir des médias à dicter le jeu. Cela revient à dire que, puisque les médias ne respectent pas la règle, il faut la changer. Mes chers collègues, faisons-nous le droit, la vie politique ou recherchons-nous simplement l’agrément des médias ?
Je vous rappelle que les médias audiovisuels bénéficient d’une délégation de service public, puisque l’État a le monopole des fréquences depuis la Deuxième Guerre mondiale. Le général de Gaulle l’avait voulu pour tirer les conséquences des dérives constatées avec les radios de l’entre-deux-guerres, privées en grande partie, et qui avaient largement collaboré. Aussi, quand nous donnons une accréditation à une chaîne d’information ou de radio pour émettre, nous l’assortissons de contraintes qu’elle doit respecter.
Par ailleurs, si nous considérons que ces chaînes ne respectent pas bien le temps de parole, agissons sur le service public ! Préalablement à chaque élection, et même hors des périodes d’élection, les partis politiques disposent de moments d’expression libre, dont on parle très peu. Or ces émissions sont programmées par le CSA à des heures de très faible audience – merci l’arbitre ! –, parce qu’il ne faut pas, au nom de la performance et de la compétitivité du service public, diffuser ces programmes, qui sont supposés faire moins d’audience, à des horaires de grande écoute.
Nous avons donc progressivement, et sans doute fort justement, réduit, régulé et encadré les dépenses de campagne électorale des partis ou des candidats, ce qui a conduit à placer les médias audiovisuels au centre du jeu.
Si l’on veut réduire l’exposition de certains candidats, c’est qu’on les considère comme moins légitimes, mais ils ont pourtant obtenu les 500 parrainages, qui sont justement censés leur conférer cette légitimité. S’il y a une règle à changer, c’est celle des parrainages, et non la règle du jeu postérieure à l’obtention des parrainages.
Il y aurait beaucoup à dire également sur la question de la participation. Il est certes important d’élargir les horaires d’ouverture des bureaux de vote, mais il faut bien voir que nous votons le dimanche, ce qui n’est pas très pratique quand viennent les beaux jours. Dans un certain nombre de pays, notamment au Canada, depuis plusieurs années, a été instauré le vote anticipé dans la semaine qui précède, et je puis vous dire que ce système est particulièrement efficace en termes de participation. Il constitue aussi un bon moyen de protéger le secret du vote, car il réduit le nombre de délégations données à des personnes supposées de confiance.
Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste ne soutient pas la proposition de loi et ne s’opposera pas à la motion tendant à opposer la question préalable à l’examen de la proposition de loi organique, présentée par M. le rapporteur. »