Intervention en séance publique dans la discussion générale, le 8 juin 2016 :
« Monsieur le président, Monsieur le ministre, Mes chers collègues,
Nous avions pu constater, lors de la première lecture de ce texte, que la distance qui nous séparait de l’Assemblée nationale était relativement faible.
C’est donc sans réelle surprise que la commission mixte paritaire est parvenue à trancher les derniers points en discussion, et nous nous en réjouissons.
C’est l’article 1er qui a concentré l’essentiel du débat et je me félicite que la rédaction retenue soit proche de celle que nous avions votée au Sénat.
En effet, toute cette réforme repose sur le mécanisme d’aiguillage entre l’Autorité des marchés financiers et le Parquet national financier.
Il nous apparaissait donc important que la loi puisse en indiquer précisément le contenu, plutôt que de tout renvoyer au niveau réglementaire.
Pour autant, mes chers collègues, nous ne devons pas nous leurrer sur notre propre pouvoir de législateur.
Le succès ou l’échec à venir de cette nouvelle architecture de répression des abus de marchés ne tiendra pas qu’à la qualité de notre travail.
Il reposera avant tout et surtout sur la manière dont s’en saisiront l’AMF et le PNF.
En particulier, la pertinence du principe selon lequel « le silence vaut acceptation » ne repose que sur l’hypothèse que le PNF est en mesure de se prononcer dans les deux mois.
J’entends bien qu’il a aujourd’hui affirmé pouvoir respecter ce délai.
Mais qu’en sera-t-il demain ?
Le Parquet national financier est une jeune institution, dont l’action est évidemment appelée à se développer, à la fois quantitativement et qualitativement.
La récente procédure engagée contre Google, d’une ampleur inédite, de même que celle qui pourrait l’être à propos de l’attribution de la coupe de monde de football au Qatar, sont là pour témoigner, s’il le fallait, de l’extrême complexité des dossiers dont il a la charge.
Or, alors même que ces grands dossiers sont encore embryonnaires, le PNF n’a déjà pas les moyens de fonctionner correctement.
Dans l’étude d’impact du projet de loi portant sa création, en 2013, le Gouvernement avait estimé nécessaire la création de 22 postes de magistrats – il n’y en a eu que 15 – et de 10 juges d’instructions supplémentaires – il n’y en a eu aucune !
A l’époque, les ratios maximaux de dossiers par magistrat et par juge avaient été estimés, respectivement, à 8 et 15. Ils sont aujourd’hui de 27 et 60 !
A ce rythme, rien ne nous garantit donc que d’ici quelque temps, le PNF sera toujours à même de tenir le délai de deux mois.
Cela ferait alors tomber toute l’architecture que nous prétendons construire par cette loi.
Il incombe évidemment au Gouvernement d’allouer au Parquet national financier les moyens qu’il avait lui-même définis et de les adapter à l’évolution de la situation.
Mais il est également de notre responsabilité, mes chers collègues, ne serait-ce que par cohérence envers cette loi, de veiller durablement aux moyens d’action du PNF.
Nous devrons y être particulièrement attentifs lors du prochain PLF.
Au-delà de ce point particulier de mise en oeuvre, nous pouvons globalement nous réjouir de la volonté de coopération très nette dont font preuve les deux institutions en jeu, l’AMF et le PNF, là où nous aurions pu redouter que ne se développe une forme de concurrence.
Je regrette néanmoins que l’article 2 ter, qui formalisait cette coopération, n’ait pas été retenu.
Mais c’est évidemment l’esprit d’un travail réussi de CMP que de trouver un compromis – compromis rendu urgent par la date butoir qu’a fixée le Conseil constitutionnel.
Pour conclure, j’aimerais relever que ce travail constitue une belle démonstration de l’intérêt du bicamérisme, à nouveau attaqué récemment.
Il a permis en l’occurrence, sans ralentir excessivement la procédure, de confronter deux approches d’inspirations différentes et ainsi, de nourrir la réflexion législative d’une véritable dialectique.
Le groupe écologiste votera en faveur de ce texte. »