Intervention lors de la dernière lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2016 au Sénat. André Gattolin a notamment dénoncé le rejet, à l’Assemblée, d’une disposition d’origine sénatoriale visant à donner des moyens aux collectivités locales en faveur du climat: « alors que vous avez trouvé 40 milliards d’euros pour les entreprises, pourquoi semble-t-il à ce point hérétique de demander, et à partir de 2018 seulement, 300 millions d’euros pour le climat et pour nos collectivités locales, dont l’investissement recule ?« .
Intervention à retrouver en vidéo et ci-dessous :
« Madame la présidente, Monsieur le ministre, Mes chers collègues,
Dans cette séquence budgétaire, la majorité sénatoriale a beaucoup taxé.
Elle a beaucoup taxé le Gouvernement d’insincérité, lui reprochant un budget de campagne électorale, avec des mesures à impact immédiat mais à financement décalé.
Une chose est sure, l’électorat ainsi ciblé n’est pas l’électorat écologiste.
Le projet de loi finances pour 2017, le dernier de ce quinquennat, restera comme celui de l’abrogation définitive de l’écotaxe sur les poids-lourds.
En effet, tout à sa fermeté à l’encontre des occupants du site de Notre Dame des Landes, il n’est plus resté au Gouvernement que mansuétude à l’égard des bonnets rouges, lorsqu’ils ont détruit les portiques pour la modique somme de 900 millions d’euros.
Symbole affligeant lorsque dans le même temps, le commissariat général au développement durable nous apprend que les transports en France voient leurs émissions de gaz à effet de serre augmenter de 0,9 % en 2015, après avoir pourtant baissé pendant 10 ans.
La chute du cours du pétrole, aussi importante qu’artificielle, y est pour beaucoup.
Malheureusement, au lieu d’en profiter pour installer le principe d’une véritable fiscalité écologique des transports, le Gouvernement a préféré constater, pour s’en féliciter, l’augmentation du trafic routier et le petit regain de croissance qui en a découlé.
Evidemment, cela se paiera cher, que ce soit par les multiples conséquences du dérèglement climatique ou les dépenses de santé consécutives à la pollution – qui, rappelons-le, ne se limite pas, loin de là, aux fameux pics.
Malgré l’auto-satisfaction autour de l’accord de Paris, nous restons donc englués dans le vieux modèle mortifère.
Ce projet de loi finances rectificative n’est pas en reste en annulant 609 millions d’euros de crédits de l’écologie, éparpillés entre le texte et trois décrets d’avance.
Systématiquement, chaque année, le ministère de l’écologie figure parmi les principaux contributeurs nets à l’effort de gestion, jetant ainsi la suspicion sur les chiffres présentés en loi de finances initiale.
La discussion des articles du PLFR aura également apporté son lot de surprises écologiques.
D’abord, dans un amendement porté par le groupe socialiste, le Gouvernement a souhaité réduire la taxe sur les installations nucléaires de base, lors de leur mise à l’arrêt définitif.
Dans son exposé des motifs, l’amendement reconnaît – je cite – la « dangerosité » de ces installations ainsi que les « risques » qu’elles font peser sur « l’environnement et les personnes ».
Rappelons que personne, sinon l’Etat, ne veut assurer ce risque industriel, et que l’IRSN évalue le coût d’un accident modéré à 70 milliards d’euros et celui d’un accident très grave entre 600 et 1000 milliards d’euros.
Compte tenu de ces sommes, il est vrai que la taxe en question est quelque peu dérisoire.
Cependant, la diminuer sur les centrales à l’arrêt laisse perplexe, alors que la radioactivité persiste pendant des décennies et que le coût du démantèlement, pour l’instant singulièrement sous-évalué par EDF à 31,9 milliards, n’est pas du tout provisionné.
Autre surprise, le sort réservé à l’amendement de notre collègue Ronan Dantec, simultanément porté par des collègues de presque tous les groupes, qui institue une dotation climat pour les intercommunalités et les régions.
En matière de protection du climat, l’accord de Paris a consacré le rôle incontournable des collectivités territoriales, qu’avait déjà établi la loi de transition énergétique.
Toutefois, mettre en œuvre des politiques, pour atteindre des objectifs ambitieux, nécessite un financement.
Tel était l’objet de cet amendement, qui aurait permis de donner un contenu réel à l’accord de papier signé par la France à Paris, entraînant nos collectivités dans une spirale vertueuse d’investissement et d’activité.
Las, j’emploie l’imparfait car si cet amendement a bien été adopté au Sénat, l’Assemblée l’a rejeté cette nuit, par 17 voix contre 11, à la demande du Gouvernement.
Monsieur le ministre, alors que vous avez trouvé 40 milliards d’euros pour les entreprises, pourquoi semble-t-il à ce point hérétique de demander, et à partir de 2018 seulement, 300 millions d’euros pour le climat et pour nos collectivités locales, dont l’investissement recule ?
Surtout lorsque l’on sait que la nouvelle contribution climat énergie (CCE) génère environ 1,5 milliards de recettes supplémentaires chaque année !
Et ne me dites pas, monsieur le ministre, que le Gouvernement fait déjà beaucoup.
Jusqu’en 2017, nous avons certes les programmes Territoires à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV). Mais après ?
Quant à l’affectation d’une part de la CCE au compte d’affectation spéciale « transition énergétique », dont vous vous prévalez, ce n’est pas un progrès !
Car cela ne s’est pas accompagné de mesures nouvelles en faveur de la transition ou de l’environnement.
Vous avez simplement cherché à éponger le déficit et la dette de compensation de plus de 6 milliards d’euros que l’Etat avait contractés à l’égard d’EDF !
En réalité, la fiscalité énergétique vous sert bel et bien à financer le pacte de responsabilité.
Il vous est impossible de dégager, pour les plans climat des collectivités, 300 millions d’euros sur 1,5 milliards de recettes supplémentaires annuelles, mais vous avez 82 millions d’euros, au seul titre du CICE, pour Vinci, concessionnaire de Notre-Dame-des-Landes…
De tout cela, monsieur le ministre, le groupe écologiste aurait souhaité débattre avec vous.
Malheureusement, la question préalable va à nouveau nous l’interdire, et c’est pour cela que le groupe écologiste s’y opposera résolument. Je vous remercie. »