Intervention en séance publique le 11 octobre 2017 :
« Monsieur le Président, Monsieur le Ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Madame la Ministre chargée des affaires européennes, Mes chers collègues,
Je voudrais tout d’abord vous dire mon immense satisfaction quant à la tenue ici de ce débat sur l’avenir de l’Europe.
Des débats en séance publique sur l’Europe, nous en avons assez régulièrement mais ils ne rassemblent en général guère plus d’une vingtaine de sénateurs, bien loin donc de l’affluence d’aujourd’hui.
Ces débats ont habituellement lieu à la veille de chaque sommet européen, en présence du secrétaire d’Etat aux affaires européennes. Sur le fond, nous égrenons à cette occasion un ordre du jour prévisionnel pléthorique, renvoyant à une multitude des points assez hétérogènes qui ressemble plus à une liste à la Prévert qu’à véritable panorama de l’état de l’Union.
C’est donc une excellente chose que nous ayons donc enfin un débat générique sur l’avenir de l’Europe et je trouverais, Monsieur le ministre, particulièrement pertinent si vous l’acceptiez d’annualiser cet important rendez-vous.
En militant de l’Europe que je suis depuis plus de 35 ans, je ne vous cache pas non plus la joie que me procure, Monsieur le Ministre, votre présence à ce débat ainsi que le nouvel l’intitulé de votre ministère : Le Ministère de l’Europe et des affaires étrangères !
Excusez-moi de la trivialité de mon langage, mais cela a quand même plus de gueule et surtout plus de sens que « ministère des affaires étrangères et du développement international » ; un intitulé pas si ancien que cela et qui dénote une époque où on avait l’Europe discrète, pour ne pas dire l’Europe honteuse dans ce pays.
Ce nouvel intitulé du Quai d’Orsay n’est pas qu’un symbole, mais il est le fruit de la volonté d’un Président français qui – contrairement à ses plus récents prédécesseurs – a la matrice et la fibre européennes viscéralement ancrées dans sa pensée politique.
Mais la première grande audace d’Emmanuel Macron, ce fut d’avoir osé mettre l’Europe au cœur de sa campagne présidentielle et ce à un moment où notre pays, comme notre continent, était traversé par une succession de crises majeures. Son audace originelle ce fut donc d’avoir osé présenter l’Europe non plus comme une contrainte mais comme un véritable atout pour notre pays !
Et sa force politique aujourd’hui, en tant que président en exercice, c’est de ne cesser de parler d’Europe, de parler à l’Europe et pour l’Europe.
De fait, la persévérance européenne du Président n’est pas discutable et son discours de la Sorbonne du 26 septembre dernier ne saurait être lu comme une fulgurance d’un jour qui remiserait la question européenne au rang des dossiers à ne ressortir qu’à la veille des prochaines échéances européennes.
Non, ce discours, pour important qu’il soit – et il l’est ! – s’inscrit dans une série d’interventions majeures d’Emmanuel Macron, avant et après son élection, sur la centralité de l’enjeu européen pour notre pays.
A celles et à ceux qui s’étonnent de sa volonté pragmatique exprimée à la Sorbonne d’aller de l’avant, quitte à avancer d’abord par groupe d’Etats volontaires pour déverrouiller le blocage institué par la règle de l’unanimité sur les défis aujourd’hui les plus capitaux que nous devons affronter, je les renvoie à la lecture de son discours du 18 avril 2016 à Bruges devant le Collège d’Europe, alors qu’il était encore ministre et qu’il venait tout juste de lancer le mouvement En Marche !
A celles et à ceux qui s’étonnent de voir l’importance primordiale qu’il accorde à la construction d’une défense et d’une véritable politique de sécurité commune, je renvoie au grand meeting d’Emmanuel Macron du 19 avril dernier à Nantes, à quatre jours à du premier tour de l’élection présidentielle où nous étions tous deux présents.
Enfin, à celles et à ceux qui s’étonnent de son propos à la Sorbonne sur la souveraineté européenne et sur la reconquête de notre souveraineté nationale « dans et par l’Europe », en même temps que de son affirmation de l’urgence démocratique à mettre en place – dès le premier semestre 2018 – des conventions démocratiques visant à définir avec tous les citoyens d’Europe le cap à donner à l’Union pour les années à venir, nous renvoyons au discours du Président prononcé le 7 septembre dernier à Athènes.
A Athènes, où il a également affirmé son souhait de voir instaurer des listes transnationales dès les prochaines européennes de 2019.
L’idée en soi n’est pas nouvelle et le Parlement européen avait échoué à l’imposer à l’occasion des européennes de 2014.
Les vieilles formations politiques nationales, même grimées en pseudo-partis transnationaux européens, ont la vie dure, en particulier en France où la question européenne semble être une chose trop sérieuse pour être abandonnée à des élus qui pensent « Europe » et agissent véritablement en Européens.
Mais le fait que cette proposition soit aujourd’hui portée par le président d’un des principaux état-membres de l’Union rend assez difficile sa mise à l’écart d’un simple revers de main.
Il n’y aura pas, mes chers collègues, d’Europe puissante, souveraine et démocratique si nous ne sommes pas capables de faire émerger, non pas une classe politique européenne, mais une représentation politique de « classe européenne » dans l’ensemble de nos états-membres.
Un des plus grands succès de l’Union au cours des dernières décennies a été et demeure sans conteste le programme Erasmus.
Et bien mes chers collègues, il est grand temps d’instaurer un Erasmus de la représentation politique en Europe.
Etre député européen ne saurait se réduire à une commutation Paris-Bruxelles ou Paris-Strasbourg…
De même, être parlementaire national, avec toutes les prérogatives de contrôle et de transposition des directives européennes dont nous disposons, supposerait qu’une part significative d’entre nous accepte d’être détachée pour une durée d’au moins trois mois au cours de leur mandat, soit dans un autre parlement national de l’Union, soit au sein du Parlement européen.
De cette appréhension d’une autre culture politique, je crois que notre représentation nationale gagnerait en agilité européenne et donc en influence réelle sur la manière dont l’Europe, notre Europe, se construit.
En conclusion, ce n’est donc pas, mes chers collègues, à un enlèvement d’Europe mais bien à un élèvement de la France par l’Europe et pour l’Europe auquel le Président Macron nous convie.
Nous aurions tort, je crois, de ne pas relever le défi qui nous est fait !
Je vous remercie. »