André Gattolin a interrogé la ministre de la Culture, lors d’un débat sur l’avenir de l’audiovisuel public, le 21 février 2018 dans l’hémicycle du Sénat, quant à l’ambition de l’offre culturelle du service public de l’audiovisuel.
M. André Gattolin. Madame la ministre, lorsqu’on envisage une réforme profonde de l’audiovisuel public, la première des questions qui doivent servir de base à cette refonte, notamment dans le monde bouleversé des médias, est celle des missions prioritaires de ce service public et de son utilité sociale.
Je crois que, tout comme l’éducation nationale ou les politiques publiques que nous engageons en matière culturelle, l’audiovisuel public doit être autant considéré comme un investissement que comme une dépense. Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas réguler et surveiller sa dépense.
Dès les prémisses de l’audiovisuel public, en 1945, un objectif était clair : la Radiodiffusion française, ou RDF, devait informer les citoyens, les divertir, mais aussi les éduquer et enrichir culturellement le plus grand nombre par des programmes ambitieux en matière de création artistique et une démocratisation de l’accès à la culture.
Cette volonté d’accès élargi de nos concitoyens à la culture fait partie des objectifs prioritaires du Président de la République. Ceux-ci sont d’ailleurs clairement incarnés dans les orientations de la mission « Médias, livre et industries culturelles » de la loi de finances pour 2018 qui témoigne d’une volonté accrue en matière de démocratisation.
La France, qui dispose pourtant d’un patrimoine exceptionnel et d’une création culturelle d’une grande vitalité, peine aujourd’hui à les exprimer sur nos grandes chaînes publiques, du fait de la disparition de la plupart des émissions emblématiques de ce traitement culturel.
Madame la ministre, je ne dévoilerai rien en disant que vous êtes ministre à la fois de la culture et de la communication. D’un côté, nous avons des contenus culturels et nous manquons de canaux pour les populariser. De l’autre côté, nous avons un audiovisuel, où des canaux existent, mais manquent singulièrement de contenus culturels. Comment envisagez-vous la synergie entre culture et audiovisuel, et le renforcement de la présence de la culture sur nos chaînes publiques ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture. Monsieur le sénateur, comme vous pouvez vous en douter, je suis évidemment très sensible à cette question, en tant que ministre à la fois de la culture et de la communication et, d’une certaine façon, du fait de mon ADN profond, qui est, évidemment, la culture.
Comme je l’ai dit en introduction à ce débat – et je suis loin d’être la seule à l’avoir rappelé –, les Français expriment une demande forte pour davantage de programmes culturels sur nos médias, notamment sur la télévision et la radio publiques. D’ailleurs, l’augmentation d’audience de certaines chaînes culturelles spécifiques constitue d’une certaine façon un indicateur de cette demande. Dans un récent sondage, les Français indiquaient qu’ils voudraient plus de films – presque à 70 % –, plus de culture – presque à 50 % – et plus de documentaires – à 48 % – sur France Télévisions. Il suffit de voir le tollé qu’a suscité l’idée de supprimer certains documentaires sur France Télévisions pour se rendre compte de l’attachement des Français à ces émissions.
La culture est clairement identifiée comme une mission d’intérêt général. C’est donc pour nous un chantier prioritaire au sein de cette réforme. La culture est un marqueur de la singularité du secteur public ; elle est au cœur du soutien qu’il apporte au secteur de la création. En effet, n’oublions pas que France Télévisions représente la moitié des investissements dans la création audiovisuelle française.
L’offre culturelle est aussi identifiée comme un chantier où les coopérations entre sociétés peuvent apporter de la valeur ajoutée ; cela a été relevé dans les comités stratégiques que j’ai réunis. C’est très évident, au niveau que ce soit de l’offre traditionnelle linéaire ou de l’offre digitale. Les dirigeants des sociétés feront donc des propositions en ce sens ; ils sont tous très mobilisés sur ce sujet.
Enfin, selon moi, il ne faut pas opposer programmes de divertissement et programmes culturels. En effet, certains divertissements peuvent être éminemment culturels, instructifs et éducatifs, et susciter un véritable goût pour la culture. La culture peut clairement être divertissante !