André Gattolin, sénateur LaREM et lui-même auteur d’une proposition de loi d’appel visant à instaurer une circonscription unique pour les européennes, intervenait ce 10 avril 2018 à la tribune du Sénat pour défendre le projet de loi du gouvernement qui comporte cette disposition.
Constatant que le découpage en 8 circonscriptions conduit à faire élire 60% d’hommes, alors qu’une circonscription unique permettrait une parité parfaite, il a aussi précisé que cette réforme ne ferait pas gagner… mais perdre des sièges à LaREM au vu des projections actuelles.
« À défaut d’avoir une arrière-pensée électoraliste, nous avons bel et bien une arrière-pensée politique : celle de remettre l’Europe, plus encore qu’à l’occasion de la présidentielle de l’an passé, au cœur du débat politique national« , a-t-il déclaré, concluant son propos en constatant que pas moins de 23 États-membres de l’UE élisent actuellement leurs eurodéputés sur une liste nationale.
> Retrouvez ci-dessous le texte de son intervention en séance publique (seul le prononcé fait foi) :
« Monsieur le Président, Madame la Ministre, Mes chers collègues,
42 – 43 – 8 – 1 – 24.
Non, mes chers collègues, ce n’est pas là le tirage du dernier Euromillion, même si cela y ressemble beaucoup. Non, ce sont là 5 chiffres qui, presque à eux seuls, résument les raisons et la pertinence du projet de loi relatif à l’élection de nos représentants au Parlement Européen que nous étudions aujourd’hui.
42… comme 42 % seulement d’électeurs français qui se sont rendus aux urnes lors des dernières élections européennes en 2014. Le second plus faible taux de participation, à une courte encablure derrière le score de 2009 qui était le plus déserté de tous les scrutins européens depuis 1979.
Les Français ne s’intéresseraient pas à l’Europe en raison du caractère trop lointain de ses institutions et de ses représentants…
En 2003, les bons docteurs de l’époque pensaient avoir trouvé le remède : il suffisait de redécouper le malade en 8 grandes euro-régions et le tour était joué.
On allait ainsi rapprocher les eurodéputés de leurs électeurs et ces derniers se rueraient à nouveau dans les isoloirs…
Mais, patatras, après trois scrutins sur le mode euro-régional, les chiffres sont sans appel :
ce n’était pas le malade qui était imaginaire, mais bien les médecins qui prétendaient ainsi le soigner…
En effet, si on considère le taux moyen d’abstention lors de 3 derniers scrutins européens, celui-ci est de plus de 7 points supérieur à celui des trois précédentes élections qui se tenaient dans le cadre d’un collège unique ! L’effet redécoupage n’explique bien sûr pas tout.
Mais croire qu’on instaurerait de cette façon une plus forte proximité grâce à quelques eurodéputés dispersés sur de très vastes territoires a quand même de quoi faire sourire les sénateurs que nous sommes quand on sait combien il est déjà difficile d’être présents sur tout un département !
La réforme de 2003 était si judicieuse qu’elle a provoqué la dénationalisation du débat sur l’Europe. Les médias ont profité de la brèche pour réduire leur traitement des élections européennes au prétexte d’une démultiplication et de l’extrême hétérogénéité des listes. Et sans débat un tant soit peu médiatisé il ne faut pas s’étonner de la faible mobilisation du corps électoral…
43. Comme 43 % de femmes au sein de la délégation française issue des élections de 2014.
Bien sûr, on peut toujours se dire que c’est plus que la moyenne européenne et plus aussi que le pourcentage observé lors d’autres scrutins en France. Mais dans un pays où la loi impose la parité lors des élections, et dans un scrutin où la proportionnelle est de mise, le décalage observé au final est pour le moins surprenant.
Son explication tient là encore en un chiffre : 8. Huit comme 8 euro-circonscriptions qui ont accru d’autant la tentation des partis de placer trop systématiquement un homme en position de tête de liste à ces élections…
Avec 1 – ou plutôt une – circonscription unique (au lieu de 8), les élections européennes de 2014 auraient conduit à élire plus de 48 % de femmes en France. A contrario, un redécoupage en 13 euro-circonscriptions métropolitaines – comme certains l’ont proposé – aurait pour effet singulier de faire tomber la représentation féminine nettement en-dessous des 40 %.
Alors oui, le retour à une circonscription unique est plus juste et plus équitable dans le cadre d’une élection à la proportionnelle, telle que décidée par l’acte européen du 20 septembre 1976 et telle que les lois françaises du 30 juin et du 7 juillet 1977 l’ont transposé dans notre droit national. Ce retour à la circonscription unique est plus juste aussi en matière de représentation des formations politiques ayant franchi le seuil des 5 % des suffrages exprimés. Car, de fait, la fragmentation en multiples euro-circonscriptions a pour effet mécanique de rehausser le seuil d’éligibilité des candidats, provoquant une sorte de prime majoritaire en faveur des listes réalisant les plus forts scores au détriment des autres.
Généralement en France, lorsque qu’un gouvernement engage une réforme électorale, celle-ci n’est jamais dénuée d’arrière-pensées et il est en fréquent que le parti au pouvoir fasse en sorte que le nouveau dispositif le favorise arithmétiquement.
Et bien, telle n’est pas la motivation de la majorité aujourd’hui ! En effet, le retour à la circonscription unique devrait procurer à la République en Marche et à ses alliés moins de sièges que ce qu’un découpage en 8 pourrait lui valoir, au regard des récentes projections électorales. Si nous proposons de dispositif, c’est tout simplement qu’il est plus juste et plus équitable politiquement !
Alors, à défaut d’avoir une arrière-pensée électoraliste, nous avons bel et bien une arrière-pensée politique : celle de remettre l’Europe – plus encore qu’à l’occasion de la présidentielle de l’an passé – au cœur du débat politique national. Bien évidemment, c’est risqué, mais nous n’avons pas l’intention d’esquiver ce défi majeur pour notre pays.
Il n’y a que les batailles qu’on refuse de mener qui nous mènent à coup sûr à la défaite !
Ce que nous voulons, c’est plus et mieux d’Europe, en même temps que nous voulons plus de France en Europe !
Je conclurais mon propos avec un dernier chiffre : 24.
24 sur 27, c’est le nombre d’États-membres qui procèderont aux prochaines élections européennes dans le cadre d’une circonscription unique si, mes chers collègues, nous adoptons ce texte.
Avoir un mode de scrutin le plus harmonisé possible, c’était bien l’esprit qui présidait aux débats préalables à l’adoption de l’acte européen de 1976.
Nous avons là une belle occasion de parachever ce vœu. Ne nous en privons pas !
Pour toutes ces raisons, le Groupe La République en Marche votera résolument en faveur de ce texte.
Je vous remercie. »