C’est en soutien au texte de Catherine Morin-Desailly, visant à protéger les enfants de l’exposition précoce aux écrans, qu’André Gattolin intervenait pour le groupe LaREM ce 20 novembre :
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, gouvernement après gouvernement, nous entendons souvent, à l’endroit des propositions de loi que nous présentons, les mêmes antiennes.
D’abord, nos textes seraient justes, mais ils viendraient percuter des projets plus larges et plus systémiques que le Gouvernement entendrait lui-même porter. Bref, nos propositions de loi aborderaient de vrais problèmes, mais elles le feraient de manière trop réductrice, en les appréhendant par le petit bout de la lorgnette.
Second argument, répété à l’envi : nos propositions de loi traiteraient de questions insuffisamment documentées. Elles souffriraient notamment d’une absence d’étude d’impact sur les conséquences juridiques, économiques et sociales des mesures qu’elles préconisent.
Ces deux critiques sont tout à fait audibles, et parfois même justifiées. Mais il faut dire aussi que ces défauts sont consubstantiels à la place et aux moyens accordés au Parlement en matière d’initiative et de travail législatifs dans le fonctionnement réel de la Ve République.
Je m’explique : les propositions de loi déposées par les groupes politiques dans nos assemblées, si elles veulent pouvoir être adoptées, doivent être nécessairement concises et ne comporter que quelques articles, pour entrer dans le cadre temporellement très contraint des niches parlementaires qui nous sont dédiées.
Alors, c’est vrai, elles ne comportent que quelques-unes des mesures susceptibles de répondre à la problématique qu’elles entendent embrasser.
On reproche aussi parfois à nos propositions de loi d’être insuffisamment documentées. Et pour cause : le Parlement est loin de disposer des mêmes moyens techniques et financiers que l’exécutif, même s’il faut rappeler que nous menons en commission, avec sérieux et au long cours, de très nombreuses auditions des acteurs impliqués sur les sujets à propos desquels nous entendons légiférer.
En ce qui concerne l’incidence juridique de nos propositions et de nos amendements, rappelons que les parlementaires ne disposent pratiquement d’aucun droit de tirage pour solliciter les avis éclairés du Conseil d’État. Celui-ci travaille presque exclusivement pour l’exécutif, comme si le Parlement n’était pas une composante essentielle de l’État républicain.
Mais venons-en plus précisément à la proposition de loi, déposée par notre collègue Catherine Morin-Desailly, qui vise à protéger, ou plus précisément à prévenir l’exposition précoce, et de plus en plus intense, de nos enfants aux écrans.
L’objectif initial était d’inscrire dans le code de la santé publique l’obligation pour les fabricants d’ordinateurs, de tablettes ou de tout autre objet ludo-pédagogique d’apposer sur l’emballage des outils numériques un message de prévention à caractère sanitaire relatif à l’exposition aux écrans des enfants de moins de trois ans.
Récemment, notre collègue Catherine Morin-Desailly a déposé un amendement tendant à renforcer le dispositif initialement proposé et à demander la diffusion d’un message à caractère sanitaire à l’occasion des publicités pour les outils et jeux numériques concernés, en plus du message apposé sur les emballages.
Cette proposition de loi, certes très circonscrite dans son objet, va dans le bon sens : celui de la protection des plus jeunes, et donc des plus fragiles, dans une société soumise chaque jour davantage au bombardement de messages visant à capter, ou plutôt à détourner leur attention à des fins au mieux récréatives – cela se fait alors au détriment de la captation de leur attention à des fins de formation et d’éducation –, au pire – c’est souvent le cas, malheureusement – à des fins de communication persuasive tendant à orienter dès le plus jeune âge leurs choix en matière de consommation et de pratiques vers ce qu’on peut appeler des comportements addictifs.
De portée et de champ certes restreints, cette proposition de loi vient toutefois compléter des textes déjà adoptés à de très larges majorités au sein de notre assemblée.
Elle s’inscrit dans la même veine que la loi relative à l’encadrement de l’utilisation du téléphone portable dans les établissements d’enseignement scolaire, votée l’été dernier.
Elle s’inscrit également dans le même esprit que la proposition de loi que j’avais eu l’honneur de porter en 2016, et qui a abouti à la suppression des publicités commerciales destinées aux enfants dans les programmes jeunesse du service public.
Pour justifier de telles mesures, les études sur le sujet ne manquent pas. Impossible ici de toutes les énumérer. Pour n’en citer qu’une, j’évoquerai la dernière vague d’enquête de la direction de la recherche, des études et des statistiques du ministère de la santé, la DREES, sur la santé des élèves de grande section de maternelle, publiée en 2015. Celle-ci souligne notamment que le nombre de ces enfants portant des lunettes est passé de 12 % à 18 % en l’espace de treize ans.
La même étude révèle également que le taux de jeunes enfants en excès pondéral est presque de 40 % supérieur à la moyenne chez ceux qui disposent d’un écran dans leur chambre.
Soucieux, comme l’ensemble de nos collègues, du bon développement de nos enfants et de la nécessité d’agir dans ce sens, les membres du groupe La République En Marche voteront en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements.)