Aujourd’hui, jeudi 25 juin 2020,en séance publique, j’ai défendu la proposition de loi visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne de mon collègue député Bruno Studer. Voici le texte de l’intervention que j’ai faite lors de la discussion générale:
» Avant toute chose, je tiens tout d’abord à saluer ici la présence de notre collègue Bruno Studer, initiateur de cette proposition de loi et Président de la Commission des Affaires culturelles et de l’Education de l’Assemblée nationale.
Je tiens également à remercier très chaleureusement notre collègue et ami, Jean-Raymond Hugonet, de la grande qualité du travail qu’il a réalisé dans des délais, disons-le, particulièrement courts.
Le fait qu’il ait été désigné rapporteur et surtout son approche résolument constructive de l’examen du texte en Commission, témoigne d’ailleurs du caractère éminemment transpartisan de cette proposition de loi.
Plus que symbolique, je trouve personnellement essentiel que nos deux chambres, quelle que soit leur coloration respective, soient capables d’œuvrer en pleine syntonie lorsqu’il en va de la protection de nos enfants, de leur épanouissement et de leur santé mentale.
La soumission à une mode d’un jour qui perdure dans le temps pour devenir le symbole d’une génération ne doit pas nous faire oublier la cause des enfants, pour reprendre le titre d’un des plus fameux ouvrages de Françoise Dolto.
Il y a maintenant quinze ans apparaissaient en effet pour la première fois, sur les plateformes de partage de vidéos nouvellement créées, des vidéos mettant en scène des enfants dans leur vie quotidienne.
Il y a quelques années, partout dans le monde, de jeunes enfants, à l’instar du désormais « très » célèbre Ryan Kaji, commençaient à être filmés presque quotidiennement par leurs parents, totalisant ainsi des millions et parfois même des milliards de visionnages.
L’année dernière, le « jeter de fromage » au visage de bébés, provoquant souvent, hélas, l’hilarité des parents qui les filment, s’est transformé en phénomène viral sur ces mêmes plateformes et sur les réseaux sociaux.
Il faut d’ailleurs rappeler que ce type de vidéo soi-disant novateur n’est en réalité qu’une reprise au goût du jour, au mauvais goût du jour, de l’émission américaine America’s Funniest Home Videos, adaptée en France sous le nom de « Vidéo Gag » et qui a fait les beaux jours d’une de nos chaînes de télévision pendant près de 18 ans.
Comme il est écrit dans le chapitre 1 de L’Ecclésiaste : « Ce qui fut sera,Ce qui s’est fait se refera, Et il n’y a rien de nouveau sous le soleil. »
Alors ce rapide rappel chronologique fait apparaître, vous l’aurez bien compris, ce que l’on pourrait appeler un « vide juridique » et, surtout, les tristes dérives qui en découlent.
Ce vide juridique qu’il faut combler, ces dérives qu’il faut empêcher, nous renvoient, nous, parlementaires, à notre responsabilité de législateur.
Et le législateur, mes chers collègues, est là dans son rôle, pleinement dans son rôle.
Il est dans son rôle lorsqu’il met en lumière des situations de travail qui demeurent inconnues pour nombre de nos concitoyens.
Il est dans son rôle quand il s’agit d’étendre le régime protecteur des enfants du spectacle et de la mode aux enfants dits « youtubeurs » et lorsqu’il place les plateformes face à leurs responsabilités en les contraignant au retrait des contenus, lorsque ces derniers font fi de l’obligation d’autorisation préalable.
Il est dans son rôle également, chers collègues, quand il instaure un droit à l’oubli que les mineurs peuvent solliciter pour obtenir le retrait des vidéos où ils apparaissent.
Il est dans son rôle comme il a été lorsque vous avez accepté, il y a près de 4 ans, de voter la proposition de loi que je portais visant à interdire la publicité dans les programmes jeunesse de du service public de l’audiovisuel.
En somme, et vous l’aurez compris, le législateur est dans son rôle quand il protège.
J’aimerais d’ailleurs à ce titre rappeler combien ce texte est consubstantiel à l’esprit qui anime notre République.
La République des droits de l’homme, la République qui protège les plus fragiles, la République qui montre le chemin à suivre aux autres pays quand il s’agit de garantir les droits de chacun, et particulièrement des plus vulnérables.
La France est en effet le premier pays au monde à s’emparer de ce sujet.
La France qui est intransigeante quand il s’agit de garantir les droits de tous ; intransigeance qui se trouve a fortiori renforcée quand il s’agit de garantir les droits des jeunes enfants.
Alors, j’entends dire ici et là que cette proposition de loi ne sanctionne pas assez, qu’elle ne résout pas tous les problèmes.
À cela je réponds que l’avènement du monde numérique et des plateformes de partage de vidéos, ont engendré une myriade d’enjeux que nous ne réglerons pas d’un seul coup, que ce texte représente une avancée majeure, qu’il faut avancer pas à pas et que notre pays, je l’ai déjà dit, est pionnier en la matière.
Soyons fiers donc de ce texte innovant qui, espérons-le, doit constituer la première pierre d’un édifice plus vaste et plus protecteur encore qu’il nous faudra bâtir ensemble.
Vous l’avez certainement compris, mes chers collègues, je vous invite à l’instar des autres membres de mon groupe à adopter l’ensemble des amendements qui viennent perfectionner ce texte déjà excellent et bien évidemment à l’approuver dans sa totalité.
Je vous remercie. »