Vous trouverez ci-dessous le texte de la tribune parue ce jour dans le journal LE MONDE que j’ai cosigné avec 166 de mes collègues parlementaires à propos du nécessaire respect de la présomption d’innocence vis-à-vis des des ministres de l’Intérieur et de la Justice.
« Le nouveau gouvernement est l’objet d’attaques particulièrement violentes de la part de manifestantes et manifestants qui dénoncent la nomination de deux ministres régaliens, celui de l’intérieur et celui de la justice, en scandant des slogans aussi indignes et diffamants que « Bienvenue au ministère du viol », « Violeurs en prison, pas au gouvernement » ou encore « La culture du viol En marche ».
Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, nous sommes toutes et tous engagés au sein de la majorité présidentielle pour faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes et pour lutter contre les violences sexuelles et sexistes.
C’est une grande cause nationale du quinquennat, nous la portons avec force, détermination et constance, et nous en sommes fiers. Si du chemin a été parcouru, nous sommes conscientes et conscients qu’il nous faut continuer à œuvrer en nous rappelant à chaque instant que rien n’est jamais définitivement acquis. Toutefois, nous devons le faire sans renoncer à ce que nous sommes : un Etat de droit.
La présomption d’innocence est protégée par notre Constitution, la même qui consacre le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes. Ce ne sont pas des valeurs concurrentes mais bien complémentaires. La liberté est indissociable de l’égalité dans notre pacte républicain.
Un garde-fou contre l’arbitraire
En France, seule l’institution judiciaire peut dire qui est coupable ou non, et c’est un garde-fou contre l’arbitraire. L’histoire nous l’a appris, la justice doit être rendue dans les prétoires dans le respect des droits humains. La vindicte populaire n’est pas la justice. Là où l’arbitraire règne, il n’y a pas de démocratie et les plus faibles sont livrés au sort des plus forts.
Dans les pays où la présomption d’innocence est bafouée, les victimes de violences sexuelles, et plus généralement les femmes, ne sont jamais mieux protégées. Au contraire.
Aussi, lorsqu’un individu, quel qu’il soit et quel que soit son statut, n’a jamais été condamné, il a le droit, comme tout citoyen, à la présomption d’innocence. Le ministre de l’intérieur, qui de surcroît n’est ni mis en examen ni placé sous contrôle judiciaire, ne fait pas exception. Quel que soit le sujet, la justice ne sera plus rendue si accusation vaut condamnation.
De même, tout individu a le droit d’être défendu, quelle que soit la gravité des faits qui lui sont reprochés. C’est un très mauvais signe qu’on puisse aujourd’hui, dans une démocratie, reprocher à un avocat – devenu ministre de la justice ou non – d’avoir assuré cette défense.
Et si la justice a le devoir d’être impartiale, elle doit également être attentive au sort des plaignantes et des plaignants. C’est pour cela que nous continuons sans relâche à travailler pour améliorer leur accompagnement et leur écoute à chaque instant, pour que le parcours judiciaire ne soit plus un parcours du combattant.
Le combat qui doit nous unir est un combat pour faire progresser les droits des femmes, pour lutter contre la culture du viol, contre les stéréotypes de genre, contre l’omerta qui condamne les victimes à une double peine.
Mais on ne combat pas une injustice par une autre injustice. Nous sommes engagés pour les droits des femmes et nous avons pleinement confiance dans ce nouveau gouvernement pour continuer à œuvrer comme nous le faisons depuis le début du quinquennat. »