André Gattolin est intervenu en séance jeudi 22 novembre 2012 au cours de la discussion générale portant sur le projet de loi de finances 2013.
« Monsieur le président, Monsieur le ministre, Chers collègues,
Élaborer la loi de finances de la France pour 2013 est un exercice périlleux, qui revient à tenter de concilier les contraires. Il nous faut éviter tout à la fois le gouffre de la dette et celui de l’effondrement de l’action publique, qui mènerait l’un et l’autre à la même conséquence : l’austérité.
Je veux le dire ici avec force : la culture politique qu’incarne notre groupe au Sénat, parce qu’elle est écologiste, considère la dette financière comme un véritable fléau.
Tout simplement parce que, au même titre que la dilapidation du capital planète, la consommation à outrance des ressources naturelles et la destruction de notre environnement, une dette massive et toujours plus incontrôlée revient à faire peser les conséquences de notre inconscience passée et présente sur les générations à venir.
C’est la raison ontologique qui, fondamentalement, fait que nous soutenons l’effort produit par le gouvernement ; le premier depuis l’après-guerre qui, en situation d’alternance politique, ne cède pas aux sirènes conduisant habituellement à produire un premier exercice budgétaire lâchant la bride sur les dépenses en guise de remerciements somptuaires à celles et ceux qui auraient contribué à sa victoire.
Ce courage politique mène souvent, dans un premier temps, à l’impopularité de ceux qui gouvernent… et accessoirement aussi la schizophrénie de ceux qui, passés des affaires à l’opposition, redoublent soudainement d’audace dans la parole pour mieux faire oublier leur atonie d’hier dans l’action.
Mais la situation actuelle est si grave qu’elle mérite autre chose que la polémique…
Elle mérite que nous débattions en bonne intelligence, c’est-à-dire de manière argumentée et contradictoire ; que notre assemblée soit source de propositions effectives pour le pays et pour nos concitoyens et que le Gouvernement, quelle que soit sa haute compétence, sache entendre toutes les suggestions qui vont dans le sens à la fois :
1)…de la réduction de la dette
2)…d’une relance saine, durable et soutenable de l’activité en privilégiant les défis du futur
3)…de la justice sociale, tant dans l’effort demandé que dans la marge étroite de redistribution que lui autorise un budget de crise
4-…Enfin – et ce n’est pas le moindre des défis – dans le sens d’une meilleure coordination et complémentarité de l’action de l’Etat avec les autres strates d’intervention publique qui l’entourent : celle des collectivités locales et territoriales et celle de l’Union européenne.
Si nous devons juger ce budget dans sa globalité, force est de reconnaître qu’il sous-tend bel et bien un effort considérable s’agissant de la réduction de la dette.
Et nous nous félicitons de ce que cet effort se fasse avec le souci de préserver une véritable justice sociale.
« Les Echos » titrait ce matin que la France deviendrait le pays taxant le plus les hauts revenus.
C’est exact, mais comment pourrait-il en être autrement si nous voulons restaurer notre intégrité budgétaire, sans sacrifier les plus défavorisés de nos concitoyens ?
De la même façon, nous saluons les efforts réalisés sur les missions prioritaires que sont l’éducation, l’enseignement supérieur et la recherche, dont les moyens augmentent et naturellement figurent parmi les missions les plus à même de préparer l’avenir.
En réalité, si nous avons quelques regrets, ces derniers se justifient principalement par les pistes et les ressources qui permettraient d’approfondir encore ces orientations et qui, à notre sens, n’ont pas été assez explorées.
Je pense notamment aux niches fiscales anti-écologiques, dont la Cour des Comptes évaluaient le coût il y a un an à plus de 19 milliards d’euros. Elle regrettait alors que sur les 26 niches de ce type qui avaient été identifiées, seules 2 avaient été remises en cause depuis le Grenelle de l’environnement. Les progrès en la matière se font encore tristement attendre !
De la même façon les aspects relatifs à la mutation écologique de l’économie et à la transition énergétique demeurent négligés dans ce projet de loi des finances, et éloignés des promesses et des ouvertures faites par le Président de la République lors de la Conférence environnementale de septembre dernier.
Des regrets face à ce projet de loi de finances, nous en avons aussi en matière de politique fiscale. Certes l’effort est là avec un souci indéniable de justice sociale.
Mais nous restons dans une fiscalité très traditionnelle, qui repousse encore à l’année prochaine l’introduction d’une véritable fiscalité écologique, et qui néglige également des pans entiers de l’économie telle qu’elle fonctionne aujourd’hui et telle qu’elle continuera à se développer demain.
Ainsi, nous sommes toujours au point mort concernant la fiscalité de l’économie numérique.
Alors que nous cherchons, de manière un peu irréaliste, à relocaliser la production industrielle sur notre territoire, nous ne parvenons toujours pas à localiser les recettes et revenus tirés dans notre pays par les géants de l’Internet et de la nouvelle économie.
A l’heure où les politiques européennes en la matière tardent à se mettre en place, le gouvernement aurait tout intérêt à se saisir des propositions déjà nombreuses et précises faites par le Sénat et son Président de la Commission des finances dans ce domaine.
Je parlais d’Europe, c’est justement le dernier élément que j’évoquerai. Le sujet est d’autant plus d’actualité que le Conseil européen se réunit justement ce soir pour parler, lui aussi, de questions budgétaires ! Et nous pouvons avoir quelques inquiétudes à ce propos tant le comportement des uns et des autres est à l’économie.
Tous les efforts budgétaires considérables produits par notre gouvernement n’auront de sens en matière de reprise et d’adaptation de l’activité économique que si l’Union européenne de dote de réels moyens et de politiques coordonnées en matière de développement, de solidarité et d’innovation.
Doubler la rigueur budgétaire à l’échelle nationale d’une véritable austérité à l’échelle de l’Union européenne s’avèrerait véritablement suicidaire pour notre avenir.
Le groupe écologiste du Sénat, comme cela a déjà été annoncé par notre président ,votera le projet de loi de finances en dépit de ses craintes et de ses regrets…
En retour, nous attendons du gouvernement qu’il sache entendre, mieux que lors du projet de la loi de finances rectificatif 2012 et du PLFSS 2013, les amendements bienveillants que nous lui proposons.
Je vous remercie. »