A l’initiative d’André Gattolin et d’Axelle Lemaire, Députée des Français de l’étranger, plusieurs parlementaires ont interpellé le Président de la République, fin février et alors qu’il allait se rendre en Russie, sur la situation des Droits de l’Homme sur place et en particulier sur l’Affaire Magnitski, du nom de cet avocat lanceur d’alertes mort en prison en 2009.
Le Président de la République a depuis répondu à André Gattolin. Vous trouverez le texte de son courrier en cliquant sur le lien ci-dessous :
Réponse du Président de la République
Pour rappel, la lettre ouverte qui avait été adressée à François Hollande :
Monsieur le Président,
Nous nous permettons de vous saisir d’une affaire importante alors que vous visitez en ce moment la Russie à l’invitation du Président Vladimir Poutine. Dans le cadre du dialogue étroit et nourri que nos deux pays entretiennent sur de nombreux sujets, nous espérons que le besoin impérieux d’aborder la question des droits humains en Russie s’imposera.
Il y a cinquante ans Alexandre Soljenitsyne publiait Une journée d’Ivan Denissovitch, récit littéraire du quotidien d’un zek, prisonnier du Goulag, décrivant avec fatalisme les privations et les tortures subies. Avec le même souci de minutie dans l’exposé mais une révolte à vif, l’avocat Sergueï Magnitski s’est appliqué à expliquer dans des centaines de lettres le calvaire de son emprisonnement à Moscou et les raisons de son innocence. Mais après 358 jours de détention provisoire, les menaces, l’isolement, le froid et l’absence de soins ont eu raison de la détermination de ce jeune avocat fiscaliste, qui est mort le 16 novembre 2009 sous les coups de ses geôliers.
Magnitski avait révélé un scandale financier à grande échelle, mélange de corruption fiscale, de détournements de fonds et de blanchiment d’argent par l’intermédiaire de compagnies-écrans enregistrées dans des paradis fiscaux. Plus de 175 millions d’euros auraient ainsi bénéficié à une poignée d’individus parmi lesquels des responsables policiers et fiscaux appartenant à l’administration russe.
Magnitski mort, ceux dont il cherchait à démontrer la culpabilité et à démonter l’impunité le dénoncent encore aujourd’hui en l’accusant de fraude. Son procès, ré-ouvert à huit clos dans un tribunal de Moscou il y a quelques jours, sonne comme un écho répressif à la mobilisation née en Russie autour du nom, de l’action et de la mémoire de cet homme. Dans les temps immémoriaux, en Egypte ancienne, dans l’Italie médiévale ou dans la France de l’Ancien Régime, les morts étaient parfois jugés.
Mais dans la tradition juridique des Lumières, « on ne fait pas de procès aux cadavres ni à la mémoire des morts », et la condamnation post-mortem d’un prévenu est exclue par la Cour européenne des droits de l’Homme en application de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ratifiée par la Fédération de Russie.
Cette affaire, à la fois tragique et sensible, s’érige en symbole des violations des droits humains commises en Russie. A l’instar des positions exprimées par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, les députés européens, les élus de plusieurs Etats membres de l’Union européenne, le président de la Commission européenne José Manuel Barroso, et le président du Conseil européen Herman Van Rompuy, nous vous demandons que la Russie s’engage à mener une enquête crédible et indépendante sur tous les aspects de ce drame. Magnitski mort, ses assassins ne doivent pas être au-dessus des lois, et la sinistre comédie de son procès posthume doit cesser, comme doit cesser le harcèlement incessant et soutenu dont ont été victimes sa mère et sa veuve. Nous souhaitons votre intervention, Monsieur le président, au nom de la préoccupation affirmée de la justice que poursuivent nos deux Etats et d’une opinion publique mobilisée et attentive à cette affaire dont rend compte le nombre croissant d’initiatives.
Nous vous remercions par avance de votre attention bienveillante et restons à votre disposition pour vous apporter toute information complémentaire sur la mobilisation des élus et citoyens en France, en Europe et dans le monde sur cette affaire dont nous souhaitons un dénouement conforme aux valeurs qui ont toujours animé l’action de la France au plan international.
Axelle Lemaire, députée des Français de l’Etranger, secrétaire nationale du Parti socialiste aux droits de l’Homme
André Gattolin, sénateur EELV des Hauts de Seine
Marietta Karamanli, députée PS de la Sarthe
Bruno Le Roux, député de Seine-Saint-Denis, président du groupe socialiste à l’Assemblée Nationale
Jean-Vincent Placé, sénateur de l’Essonne, président du groupe EELV au Sénat
Guy Geoffroy, député UMP de la Seine-et-Marne
Jean-Pierre Chauveau, sénateur UMP de la Sarthe
Catherine Morin-Dessailly, sénatrice UDI de la Seine-Maritime
Jean-Pierre Plancade, sénateur PRG de la Haute-Garonne
Alain Tourret, député PRG du Calvados et président de l’Institut International des droits de l’homme et de la paix
(Lettre initialement publiée sur le site de l’hebdomadaire Marianne)