André Gattolin est intervenu le 28 mars 2013, au nom du Groupe écologiste, dans le débat sur l’instauration d’une Journée nationale de la Résistance (le 27 mai).
Le Sénat a adopté cette proposition de loi déposée par Jean-Jacques Mirassou, que les écologistes soutenaient.
Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, mes chers Collègues,
Il y a un peu plus d’un an, notre assemblée adoptait à l’unanimité la création du Conseil national des communes « Compagnon de la Libération ».
La proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui s’inscrit dans une démarche très similaire : il s’agit de pérenniser la mémoire de la Résistance, de faire en sorte que son apport historique, politique, social et culturel survive à l’extinction progressive de celles et ceux qui en furent les humbles et glorieux acteurs.
Un à un, en effet, celles et ceux qui avaient survécu à la déportation et aux camps, au combat forcément inégal face à l’occupant, aux sévices de la torture ou encore aux blessures et aux souffrances subies, finissent aujourd’hui par disparaître.
Il y a un peu plus d’un an à cette tribune, je rendais hommage à Stéphane Hessel, à ses combats passés et à ceux qu’il continuait de mener avec une ténacité hors pair.
Cet homme exceptionnel avec qui j’ai eu la chance d’échanger souvent au cours des dernières années, nous a depuis malheureusement quitté.
Avant lui, il y eut le départ d’autres grands noms de la Résistance. Je pense à Lucie et Raymond Aubrac, Louise London, Maurice Voutey, Germaine Tillon… et bien d’autres.
Toutes ces femmes et tous ces hommes n’ont eu cesse jusqu’à leur dernier souffle de consacrer l’énergie souvent impressionnante qu’il leur restait à témoigner et à témoigner encore des moments à la fois terribles et pleins d’espoir qu’ils avaient vécu.
Pour la plupart d’entre eux, leur message ne se limitait pas à rappeler l’histoire ou à transmettre leur expérience incroyable et singulière aux nouvelles générations, mais il visait aussi à actualiser en permanence et à faire vivre, au présent et au quotidien, l’esprit de la Résistance qui, un jour, les avait emportés et qui, depuis, ne les avait jamais quitté.
Disons-le sans détour, leur disparition laissera à tout jamais un vide qui ne pourra être comblé.
Et plus le temps passera, plus leur absence se fera vive et la flamme qui les portait difficile à incarner dans un pays qui, par un bonheur qu’il semble souvent ignorer, n’aura jamais connu une aussi longue période de paix au cours de toute son histoire.
Je ne peux – en mon nom et en celui du Groupe écologiste du Sénat – que féliciter notre collègue Jean-Jacques Mirassou d’avoir proposé l’instauration d’une journée nationale de la Résistance en guise de point d’orgue annuel d’un ensemble d’initiatives voulant faire vivre au temps présent les combats de la Résistance.
Je le dis avec d’autant plus de force et de sincérité que le mouvement politique auquel j’appartiens a été et reste toujours extrêmement réticent à l’endroit de lois que l’on peut qualifier de « mémorielles » ou du développement de ce que d’aucuns appellent l’« industrie de la commémoration » dans notre pays… Mais en l’espèce, ce n’est pas de cela dont il s’agit.
Cette loi, contrairement à d’autres, n’a aucune visée électoraliste, tant les survivants de cette époque sont aujourd’hui trop peu nombreux. Elle ne traduit aucune intention de récupération politique d’un événement ou d’une d’une période historique.
Elle ne s’inscrit pas non plus dans une perspective de nature nationaliste ou cocardière, tant l’évocation de la Résistance renvoie, automatiquement et en parallèle, au passé collaborationniste d’une partie de notre pays à la même époque…
… Et que « notre » Résistance renvoie aussi et naturellement à toutes ses composantes extra-nationales qui y participèrent, ainsi qu’aux résistances anti-totalitaires qui virent le jour à la même époque dans de nombreux pays d’Europe, Allemagne comprise.
Cette journée n’est pas non plus un nouveau jour férié ou chômé dans un calendrier de printemps déjà chargé en la matière.
Non, c’est d’abord un jour intense de travail de mémoire mis au service du présent pour aider les jeunes générations à mieux s’approprier leur avenir de personne libre et de futur citoyen.
Le choix d’une date pour ce type de journée est souvent délicat et suspecté d’une volonté de donner une orientation partisane particulière à l’événement consacré.
Deux dates s’offraient à nous :
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Celle du 27 mai 1943, marquant la réunion des principaux mouvements de Résistance par Jean Moulin au sein du Conseil National de la Résistance,
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Celle du 15 mars 1944, jour d’adoption du premier programme dudit CNR.
C’est la première qui a été retenue et c’est un choix, à mon sens, doublement judicieux.
D’abord, parce que Jean Moulin, la cheville ouvrière du CNR, était à l’époque encore bel et bien vivant (ce qui n’était plus le cas le 15 mars suivant),
Mais également, et de manière plus prosaïque, parce que cette seconde date se situe en dehors des périodes de vacances scolaires et que l’objet premier de cette journée est précisément de sensibiliser nos enfants à cette période de notre histoire récente et ô combien porteuse de valeurs civiques à préserver et à entretenir.
Une question cependant se pose : ce débat sur les valeurs de la Résistance doit il rester limité à l’enceinte des écoles ?
Car si la discussion ne se fait pas aussi dans d’autres lieux, comment combattre efficacement les idées populistes et démagogiques qui se développent en France et en Europe ?
Le 27 mai doit être un jour permettant à tous et à chacun d’y réfléchir.
Puisque j’en suis aux suggestions d’amélioration, il y a une autre limite qu’il faudrait dépasser.
Cette célébration intelligente et judicieuse ne doit pas être limitée au seul champ du cours d’histoire-géographie-éducation civique.
Les thèmes de la Résistance peuvent être également vus pendant les cours de français, de langues étrangères ou encore d’arts, de poésie et de philosophie.
N’est-ce pas l’occasion de découvrir les écrits de Jacques DECOUR, les peintures d’André GIRARD, fondateur du réseau CARTE, les poèmes sublimes de René CHAR dans son recueil « Feuillets d’Hypnos », ou encore « le chant des marais » du musicien allemand Rudi GOGUEL, œuvre née dans l’univers concentrationnaire de Börgermoor…
Pour donner aussi toute son actualité à cette réflexion, il serait bon aussi de diffuser et d’étudier cet Appel formidable et trop peu connu des résistants aux jeunes générations, publié le 8 mars 2004, par ces grands noms que j’évoquais au début de mon intervention et qui sont pour la plupart aujourd’hui disparus.
Ce texte est un passage de témoin.
L’ensemble des acteurs de la vie publique et aussi les simples citoyens, les exploités et les humiliés sont appelés à ne pas démissionner, ni se laisser impressionner par les dérives du temps présent qui menacent la paix et la démocratie.
En conclusion ,les remarques que je viens de faire n’enlèvent évidemment rien au soutien que le Groupe écologiste accorde à cette proposition de loi pour laquelle nous voterons unanimement en sa faveur.
Je vous remercie.