Refondation de l’école : rendre plus innovant le service public du numérique éducatif

A l’occasion de la discussion du projet de loi relatif à la refondation de l’école de la République le mardi 21 mai, André Gattolin, sénateur, a souligné que « la plus grande interactivité qui puisse exister en matière d’éducation reste d’abord celle qui s’établit entre un enseignant et chacun des élèves à l’intérieur d’une salle de classe »

DG – PJL Refondation école – André Gattolin – 21/5

 

Monsieur le Président,

Madame la Ministre,

Monsieur le Ministre,

Mes chers Collègues,

 

 

En complément de l’intervention de ma collègue Corinne Bouchoux concernant les objectifs de ce projet de loi, je souhaite attirer votre attention sur la section consacrée à l’éducation aux usages du numérique, rebaptisée à juste titre par nos collègues de l’Assemblée nationale, « service public du numérique éducatif ».

Je ne reviendrai pas sur le bilan des différents plans de développement des usages numériques à l’école.

Le rapport de notre collègue Françoise Cartron est très clair sur le sujet.

En ce qui concerne la formation des enfants et des adolescents à l’utilisation des outils numériques, la France reste en retard, malgré un taux moyen matériel relativement satisfaisant mais un taux qui cache cependant d’importantes disparités entre zones urbaines et rurales et à l’intérieur des zones rurales.

Compte tenu de la réalité des moyens déployés pour faire face à ce retard et des difficultés de l’institution scolaire à intégrer la dimension numérique de l’enseignement, le Groupe écologiste recommande de s’inscrire dans une vision plus réaliste et plus pragmatique et en même temps plus inventive de l’apport des nouvelles technologies de l’Information dans l’enseignement.

A ce stade, la plus-value de l’intégration des nouvelles technologies du numérique dans les enseignements réside principalement dans les possibilités qu’elles ouvrent au niveau des changements pédagogiques.

En effet, ces nouveaux services numériques ne doivent pas seulement offrir « un outil de plus » à utiliser comme les autres parmi l’offre fournie par l’institution scolaire.

Ils doivent servir de base à une refonte critique des approches pédagogiques favorisant l’innovation et les expérimentations au profit du travail collaboratif entre les élèves et entre les enseignants.

C’est le sens des amendements qui on été déposés tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat par les parlementaires écologistes.

Utiliser les Technologies de l’Information et de la communication pour l’enseignement (TICE), uniquement comme un nouveau support au service de pédagogies anciennes serait contre-productif et ne répondrait pas aux enjeux de la révolution numérique dans le secteur éducatif.

De la même manière, la proposition de favoriser l’usage de logiciels libres et de formats ouverts pour les ressources pédagogiques et les contenus numériques va dans le sens d’une extension de l’interactivité des outils mis à disposition des élèves et des personnels, contrairement aux logiciels dits « propriétaires » qui entravent le libre accès aux savoirs et la possibilité de mutualisation des contenus.

En second lieu, il convient aussi de relativiser l’apport des nouvelles technologies dans l’enseignement.

Pour nous, la plus grande interactivité qui puisse exister en matière d’éducation reste d’abord celle qui s’établit entre un enseignant et chacun des élèves à l’intérieur d’une salle de classe.

Aucune technologie, aussi innovante qu’elle puisse être, ne peut se substituer à cette relation singulière.

S’il est important que l’école valorise les usages numériques dans le cadre des apprentissages, notamment pour améliorer le suivi personnalisé des élèves, il faut néanmoins se garder des faires des outils technologiques l’alpha et l’oméga de toute forme de modernisation des pratiques éducatives, car, dans les faits les enseignants restent, le plus souvent, bien moins expérimentés et praticiens des nouvelles technologies que leurs élèves.

Chacun connaît l’écart générationnel qui existe en matière d’appropriation des NTIC.

En ce qui concerne la mise en oeuvre du plan pour le développement du numérique, j’observe que le portail unique de référencement de l’ensemble des ressources pédagogiques n’a toujours pas vu le jour.

La faute en revient à un dispositif extrêmement lourd peu ergonomique et contraint par les conditions posées par les éditeurs de manuels pédagogiques.

Ce serait pourtant un outil essentiel au service de la communauté éducative.

Surtout, le numérique ne peut, ni ne doit, se substituer à l’éducation, plus large, aux médias – au sens large du terme- telle que mise en oeuvre dans les établissements, sur la base du volontariat des enseignants, depuis une trentaine d’années.

Or, j’ai déjà alerté la commission Culture sur le fait que le Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information (le CLEMI), créé en 1983 par l’universitaire Jacques Gonnet (auquel je tiens ici à rendre hommage) et chargé d’accompagner cette politique, a vu ces dernières années ses moyens humains et financiers limités, quand ils n’ont pas été parfois tristement amputés.

La faiblesse des budgets consacrés à cette mission ne permet plus de propager et d’étendre les expérimentations et les initiatives très riches conduites par le CLEMI dans ce domaine.

Je pense notamment à son travail essentiel mené en direction des « enseignants stagiaires» afin qu’ils ne soient pas démunis en matière d’éducation aux médias d’actualité, qu’ils soient numériques ou pas !

On aurait, en effet, tort aujourd’hui de considérer que l’accès à une vidéo sur Internet remplacerait le visionnage d’un journal télévisé ou la lecture analytique d’un article pour l’apprentissage du décryptage de l’information.

Mes chers collègues, le numérique éducatif représente sans conteste une opportunité de transformation pédagogique de l’enseignement. Pour autant, et au vu des contraintes financières de l’Etat et des collectivités locales, le Groupe écologiste reste lucide quant à l’impact des mesures proposées dans le présent projet de loi.

Ce n’est que par un ensemble de mesures – encore à développer et à améliorer – que nous pourrons véritablement renforcer et adapter le service public de l’enseignement dans notre pays.

Je vous remercie.