André Gattolin recevait au Sénat, lundi 13 janvier, le médecin et explorateur Jean-Louis Etienne. Cette rencontre avait lieu dans le cadre des travaux d’André Gattolin sur le devenir de l’Arctique et sur le rôle de l’Union européenne dans cette région.
À l’issue de cette rencontre, dont le compte-rendu complet reste à faire, Jean-Louis Etienne a accepté de se prêter à une courte séance de questions/ réponses. En voici la transcription, tandis que la vidéo réalisée à cette occasion et bien d’autres éléments se trouvent sur le site dédié arctiquesenateur.tumblr.com
Jean-Louis Etienne, pourquoi aujourd’hui – et on s’en rend compte à travers les études – l’Arctique est plus touché par le réchauffement climatique global de la planète ?
Alors l’Arctique… Là on parle du Nord, du pôle Nord, avec cet océan arctique qui est particulièrement touché, parce que l’Arctique change de couleurs. C’est une zone qui était blanche quasiment tout le temps, avec la glace qui recouvre l’océan, la neige qui recouvre les territoires tout autour, la Russie, le Canada, le Groenland… et le blanc, comme on le sait, réfléchit le rayonnement solaire. Aujourd’hui avec le réchauffement, il y a des zones d’eau libre qui apparaissent sur l’océan, des zones qui sont déneigées très vite, la neige apparaît plus tard, et donc tout ça ça fait ce qu’on appelle des corps noirs, qui absorbent le rayonnement solaire.
Et donc on assiste à un effet d’emballement. Le fait de devenir capteur fait qu’il y a une accélération du réchauffement climatique. C’est une des raisons pour lesquelles on trouve un réchauffement moyen de 5° en Arctique, alors qu’on considère qu’il est autour de 2° sur l’ensemble de la planète.
Et vous me disiez, c’est un peu le réfrigérateur avec l’Antarctique de la planète et des zones chaudes. Dès qu’on laisse la porte ouverte, ça ne fonctionne plus.
Oui, oui ! On a peur pour l’Arctique c’est vrai, l’écosystème va changer puisque la banquise disparaît, mais on va être touchés, on va être impactés. Parce que le climat, la machine climatique pour faire simple, c’est l’échange entre la chaleur tropicale, qui est constante – il fait chaud sous les tropiques été comme hiver – avec le froid des deux pôles. La terre doit échanger cette chaleur tropicale avec le froid des deux pôles. Et le nord aujourd’hui perd de sa capacité à refroidir. La terre elle a deux fluides pour échanger la chaleur avec le froid : la circulation atmosphérique, qui est rapide, et la circulation océanique. Le Gulf Stream est un exemple, qui amène de la chaleur de la Caraïbe vers le Nord. Et donc en ayant perdu petit à petit l’efficacité du froid, on a ouvert la porte du frigo, on a des frigories en moins, c’est-à-dire que ça va manquer à l’équilibre de la chaleur tropicale. D’où les constations, ce que l’on remarque : on ne peut pas dire aujourd’hui qu’il y ait davantage de manifestations extrêmes, mais on sait aujourd’hui que ce qu’on appelait les tempêtes tropicales – c’est classique, tout le monde connaît : sous les tropiques à un moment donné, vous avez un orage, y a du vent – aujourd’hui c’est passé au stade au-dessus, qui est celui du cyclone, parce qu’on a des accumulations de chaleur de plus en plus importante.
Jean-Louis Etienne, merci !
Avec plaisir