Intervention le 22 juillet en séance publique lors débat sur le FACTA.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la lutte contre les paradis fiscaux et, plus largement, contre les dérives permises par la dérégulation financière est un sujet qui importe tout particulièrement aux écologistes.
Pour un pays industrialisé comme le nôtre, ces dérives se traduisent chaque année par des milliards d’euros de manque à gagner en termes de ressources fiscales. Pour les pays disposant d’appareils étatiques moins forts que les nôtres, elles entraînent des pertes plus importantes encore, dont les conséquences pour les populations, les services publics et les sociétés sont démultipliées du fait de la faiblesse de ces États.
Vous n’êtes pas sans savoir que les grandes entreprises de notre pays sont aussi souvent celles qui paient, au moins proportionnellement, le moins d’impôts. C’est également le cas ailleurs, par exemple aux États-Unis, où des rapports ont, par le passé, montré que certaines compagnies étaient même parvenues à réduire leur contribution fiscale à néant.
Je pense notamment à une étude aujourd’hui fameuse du Government Accountability Office américain, commandée en 2008 par deux sénateurs démocrates. Celle-ci avait révélé qu’un quart des entreprises américaines bénéficiant de plus de 250 millions de dollars d’actifs ou de plus de 50 millions de dollars de recettes n’avaient tout simplement pas payé un seul dollar d’impôt entre 1998 et 2005 !
Les mêmes procédés se retrouvent du côté des individus fortunés, usant comme ces entreprises de toutes les possibilités légales, et parfois moins légales, et de toutes les failles de notre système financier pour diminuer leur contribution à la charge commune.
Évidemment, le sujet est désormais ancien et des progrès ont pu être réalisés au cours des dernières années. Nous sommes cependant encore loin d’avoir réglé le problème dans son intégralité. D’où l’importance du texte que nous examinons aujourd’hui. Les écologistes voteront en sa faveur, quoiqu’avec quelques commentaires et regrets que j’expliciterai plus avant.
L’accord FATCA, signé en novembre dernier entre la France et les États-Unis, que nous devons aujourd’hui approuver, renvoie à la loi américaine du même nom. Celle-ci impose aux banques du monde entier de signaler à l’administration fiscale des États-Unis, directement ou par le biais, comme c’est le cas ici, des administrations fiscales des pays où elles opèrent, l’existence de comptes détenus chez elles par des citoyens ou résidents américains, afin de détecter et donc d’empêcher toute tentative d’évasion fiscale.
Précisons qu’une telle collecte d’informations, dans le cas de l’accord dont il est question ici, se veut, à terme, réciproque : les banques américaines seront normalement tenues aux mêmes obligations que leurs homologues françaises, s’agissant de leurs clients qui figureraient parmi nos concitoyens. Cela équivaut, dans les faits, à l’instauration d’un échange automatique des données bancaires, vieille revendication des ONG travaillant sur ces questions, ainsi que des écologistes à l’échelon européen.
Cet échange d’informations facilitera grandement le travail des gouvernements de nos deux pays en la matière, même si l’on peut regretter que les comptes des entreprises ne soient, pour la plupart, pas concernés par cette mesure.
Cet accord représente néanmoins une forme de révolution copernicienne, d’autant plus puissante que les États-Unis sont en train de conclure des accords du même type avec de nombreux autres pays. Reconnaissons que, en la matière, les Américains savent se rendre particulièrement persuasifs !
En effet, les activités sur leur territoire des banques récalcitrantes seraient grandement menacées, tandis que les transactions de particuliers américains qui ne seraient pas suffisamment justifiées seraient frappées d’une retenue punitive à hauteur de 30 % de leur valeur !
Cet impressionnant pouvoir de persuasion a des retombées encore inimaginables il y a quelques années, puisqu’il a mis sous pression des acteurs comme le Luxembourg ou la Suisse, historiquement peu friands de ce genre d’exercices.
Ceux-ci ont dû se résoudre à signer des accords semblables et leurs relations avec d’autres États sont, du même coup, en train de changer.
J’irai plus loin : c’est l’Union européenne elle-même qui est mise sous pression, elle qui n’était jamais parvenue jusque-là à avancer de manière satisfaisante pour harmoniser a minima les politiques fiscales de ses États membres, ni même pour restreindre, en son propre sein, les excès dus au secret bancaire.
L’Union européenne et la France ne peuvent en effet que regretter qu’il ait fallu l’intervention d’un pays tiers pour qu’une telle avancée soit possible, même si ce pays figure parmi nos plus anciens alliés et même si la méthode un peu spéciale dont il use est désormais récurrente.
Voilà de nombreuses années que l’Europe aurait dû se doter de sa propre loi FATCA, applicable d’abord et avant tout sur son propre territoire et vers certains de ses principaux partenaires financiers. Ses échecs domestiques expliquant au moins en partie son relatif effacement au niveau international en la matière, il aura fallu la mise en place d’une législation non pas multilatérale, mais américaine, et visant à protéger l’emploi et les finances publiques aux États-Unis pour avancer sur ce dossier.
Je rappelle ces faits, alors même que la nature extraterritoriale de certaines règles édictées outre-Atlantique a pu susciter une certaine émotion, il y a quelques semaines, à la suite de l’amende record infligée à une banque française, dans un domaine cependant bien différent, rappelons-le.
Ce constat doit évidemment nous inciter à la réflexion : l’Europe ne peut continuer à se construire de cette façon. L’influence que devraient lui conférer son histoire et son poids économique est décidément bien trop facilement mise à mal par ses propres divisions et par la mise en concurrence des États qui la composent. C’est d’autant plus dommageable, dans le cas présent, que la réciprocité dans la transmission d’informations rendue possible par cet accord ne sera pas totale, en tout cas pas dans un premier temps.
Il faudra en effet attendre une modification de la loi américaine pour que soldes bancaires et valeurs de rachat des contrats d’assurance vie bénéficiant à des contribuables français installés aux États-Unis soient transmis à notre propre administration fiscale.
Il ne s’agit certes que d’un contretemps ; nous sommes toutefois en droit de le regretter, car il illustre parfaitement le déséquilibre qui existe entre nos deux pays et plus largement, à nouveau, entre les États-Unis et l’Union européenne.
Ces quelques remarques formulées, je conclurai en réitérant le soutien du groupe écologiste à ce texte et en espérant que l’échange automatique de données qu’il instaure entre nos deux pays – dans le respect, bien sûr, de la protection de la vie privée – puisse devenir, dans un avenir proche, une règle internationalement et effectivement appliquée.