Question-réponse sur les accords de libre-échange et réplique

Question: Monsieur le secrétaire d’État, les discussions sur un traité de libre-échange entre l’Europe et le Canada sont déjà anciennes – elles ont commencé voilà près de dix ans –, mais elles sont beaucoup moins connues que celles qui ont été entamées l’an passé avec les États-Unis.

Pourtant, il y aurait beaucoup à en apprendre, notamment quant à la manière dont elles ont été menées de part et d’autre.

Du côté canadien, un dialogue a été entrepris avant l’ouverture des négociations officielles entre Gouvernement fédéral et gouvernements provinciaux et territoriaux, y compris avec les municipalités et les groupes d’entreprises. Les provinces et territoires ont ainsi pu pleinement participer aux négociations quand celles-ci se rapportaient à leurs domaines de compétences.

Du côté européen, les choses se sont faites de façon très centralisée et parfois excessivement secrète autour de quelques services de la Commission. À l’inverse des territoires canadiens, nous n’avons disposé d’aucune étude d’impact précise permettant d’évaluer, pays par pays, région par région, secteur par secteur, les effets d’un tel accord au sein de l’Union européenne. Même nos gouvernements nationaux ont souvent peiné à connaître l’état précis des discussions et les options privilégiées par les négociateurs de la Commission.

Monsieur le secrétaire d’État, j’ai bien entendu votre réponse précédente relative à la procédure de ratification. Je connais votre détermination à impliquer les parlements nationaux. Mais à l’heure actuelle, nous n’avons aucune certitude sur la procédure qui sera finalement retenue.

Au-delà de ce que l’on peut penser du projet de traité lui-même, cette totale dissymétrie observée sur le plan de la méthode illustre bien la très grande méconnaissance que nous avons, nous, Européens, du mode de fonctionnement fédéraliste de nos partenaires. Pourtant, nous ferions bien de nous en inspirer : ce sont notamment ces défauts dans nos pratiques démocratiques qui, chaque jour, alimentent un peu plus la crise de confiance de nos peuples à l’égard de nos institutions et de l’Union européenne.

Monsieur le secrétaire d’État, ne jugez-vous pas urgent de repenser les procédures encadrant ce type de négociations, au moment même où la Commission négocie, et ce à marche forcée, je le souligne, de nouveaux accords de libre-échange, très décriés par l’opinion, avec les États-Unis ?

Réponse du secrétaire d’Etat Jean-Marie Le Guen

Monsieur Gattolin, je vous remercie de votre question qui, elle aussi, est très politique.

L’organisation fédérale de nos partenaires, notamment américains et canadiens, peut, dans le cadre d’une négociation commerciale, leur conférer un avantage évident : leurs négociateurs doivent obtenir l’aval de chacune des provinces ou de chacun des États avant de prendre des engagements qui les concernent. Voilà sans doute de quoi relativiser les analyses sur le fameux « libéralisme américain »…

Cette rigidité institutionnelle n’existe pas au sein de l’Union européenne, en raison de la compétence des institutions communautaires en matière de politique commerciale, découlant des traités, du mandat de négociation conféré par les États membres à la Commission et de l’effet direct du droit de l’Union européenne et des conventions auxquelles celle-ci est partie.

Toutefois, les États membres sont pleinement associés à la définition et à la conduite des négociations, conformément aux traités, notamment via les réunions d’experts qui se tiennent chaque semaine à Bruxelles.

En outre, je vous confirme que les deux accords respectivement négociés avec les États-Unis et le Canada seront des accords de compétence mixte, ce que le commissaire au commerce a reconnu publiquement. Ils devront donc être également ratifiés par le Parlement français.

De surcroît, le Gouvernement est résolu à renforcer la transparence des négociations commerciales, tant vis-à-vis des assemblées parlementaires que de la société civile et des collectivités territoriales.

S’agissant du Canada, le négociateur européen a su obtenir des résultats que nous jugeons satisfaisants dans des domaines relevant, pour tout ou partie, de la compétence des provinces canadiennes. Je songe, par exemple, aux marchés publics : l’accord aboutit à une amélioration importante pour ce qui est de l’accès aux marchés publics des provinces.

Dans d’autres domaines relevant de la compétence des provinces, comme le commerce des vins et spiritueux ou la reconnaissance des qualifications professionnelles, l’accord consacre également des avancées notables. Notre but est bien entendu d’obtenir des résultats de même nature avec les États-Unis, si nous devions conclure avec eux un accord commercial similaire.

Réplique à la réponse du ministre:

Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, qui vient préciser et clarifier encore les indications que vous nous avez précédemment données.

Permettez-moi cependant d’insister. J’ai assez souvent l’occasion d’aller au Canada. Le Québec, dont nous avons reçu ici même, la semaine dernière, le président de l’Assemblée nationale, M. Chagnon, a consacré plusieurs millions à des études destinées à mesurer l’impact précis qu’aura le traité entre l’Union européenne et le Canada.

À l’inverse, nous ne disposons pas aujourd’hui, au niveau des États membres, de la France ou des régions, d’éléments de cette nature.

Certes, en amont, la Commission nous promet que le traité TAFTA garantira un demi-point de croissance supplémentaire et assurera la création de 300 000 emplois. Mais où ?

Pour m’être récemment rendu aux Pays-Bas, je sais que, là-bas, tout le monde, à gauche comme à droite, est favorable à cet accord. Et pour cause : le port de Rotterdam, qui, je le relève au passage, bénéficie depuis 2006 d’avantages absolument incroyables – les droits de douane y ont été quasiment abolis et n’ont de droits que le nom –, profitera pleinement de ce traité.

Comment donc se répartira la richesse nouvelle créée au sein de l’Union européenne ? Malheureusement, force est d’admettre que nous l’ignorons en grande partie. Il serait important que nous lancions des études précises en amont, pour éclairer les représentations nationales et les opinions publiques.