Retrouvez ci-dessous le texte de mon intervention dans le débat, en séance, sur l’action de la France pour la relance de l’activité économique dans la zone Euro.
« Alors que, formellement, nous discutons ici de la relance de l’activité économique dans la zone Euro, je voudrais en préalable dire que je refuse de concevoir celle-ci comme un élément que l’on pourrait dissocier entièrement du reste de l’Union.
Bien sûr, il est utile et pertinent d’envisager des moyens spécifiques d’intervention se rapportant à la zone euro : au niveau monétaire, au niveau du renforcement de l’union bancaire, ou encore en dotant la zone euro d’un budget spécifique.
Mais au-delà de l’adoption ou non par ses membres de la monnaie unique, c’est bien l’Union européenne, en tant qu’espace économique regroupant plus de 500 millions de personnes, qui confère à notre continent sa richesse et son potentiel d’innovation et de renouvellement dans le monde de demain.
Il suffit de regarder les performances économiques de certains pays membres de l’Union mais non de la zone Euro, comme la Pologne, pour s’en convaincre : le dynamisme de nos économies – ou au contraire leur atonie – ne repose pas uniquement sur la monnaie unique. C’est bel et bien à l’échelle de l’Union européenne toute entière qu’il nous faut donc réfléchir.
D’un point de vue économique, celle-ci, enfermée aujourd’hui dans des politiques presque exclusives de réduction des déficits et de la dette publique, va mal, tant au niveau de l’emploi, de l’activité industrielle que de sa croissance globale.
La compétition à l’échelle mondiale n’a jamais été aussi vive et dans bien des domaines notre retard à l’endroit des Etats-Unis ne se résorbe pas, voire même il s’accentue.
Nous devons faire face aussi à la concurrence chaque jour plus forte des pays émergents, au point où ce terme d’émergent est en train de devenir totalement inapproprié.
C’est d’ailleurs tout le sens du plan de 300 milliards d’Euros annoncé par le Président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, à propos duquel la presse nous indique qu’il devrait être, au moins partiellement, détaillé dès la semaine prochaine.
La France aurait établi une liste comprenant une trentaine d’initiatives qui pourraient en bénéficier et nous serions heureux, Monsieur le Ministre, d’en savoir aujourd’hui davantage sur ces propositions faites par le gouvernement.
Car si la France veut peser dans la relance de l’activité économique en Europe, elle doit faire en sorte que les
investissements portés par le plan Juncker correspondent à au moins deux types de critères :
- D’abord, que ces investissements soient véritablement des investissements stratégiques au regard des enjeux auxquels nous faisons face. Ils doivent, à notre sens, se concentrer sur les filières d’avenir plutôt que de chercher à perpétuer un modèle finissant.
- Ensuite, ces mesures ne doivent plus se contenter de viser indifféremment l’ensemble des secteurs et des acteurs qui les composent. Elles ne peuvent plus se contenter de l’approche purement horizontale qui a été jusqu’à aujourd’hui dominante dans les politiques économiques européennes.
A force de vouloir établir un soi-disant « écosystème » réglementaire et légal identique pour tous et dans tous les domaines d’activité, la Commission européenne finit par s’enfermer dans un dogmatisme stérile et dans l’instauration de mesures qui deviennent souvent inefficaces en matière de développement durable de l’activité en Europe.
La liste des exemples que nous pourrions citer est longue, mais nous nous focaliserons ici sur ceux qui nous paraissent les plus édifiants.
Depuis plusieurs années, l’Union favorise les politiques de la recherche et de l’innovation.
Nous sommes tous d’accord : sans recherche forte, il n’y a pas d’innovation, condition nécessaire à une relance durable de l’activité dans un monde ultra-concurrentiel et en mutation permanente.
Sur le fond, cette politique de l’Union est donc une bonne chose, notamment au moment où on annonce que la Chine devrait, dès cette année, dépasser l’Europe en matière de dépenses en R&D.
Beaucoup de moyens sont donc engagés dans ce domaine dans le cadre du pluriannuel 2014-2020 et la Commission se montre particulièrement favorable aux politiques nationales des états-membres instaurant d’importants crédits d’impôts recherche.
Le problème, c’est que cette condition indispensable à la relance économique n’est pas en soi une condition suffisante : car, sans un soutien stratégique aux filières d’avenir, c’est-à-dire un soutien aux filières industrielles européennes qui vont utiliser les apports de la recherche européenne, que se passe-t-il ?
Et bien, on assiste alors à une migration des compétences, des savoirs, des personnes et des entreprises qui les portent vers des régions du monde qui soutiennent avec un grand volontarisme ces filières d’avenir.
Car par un dogmatisme incroyable, la toute puissante DG Concurrence de la Commission sanctionne systématiquement tout appui un peu prononcé de nos états à ces filières innovatrices, pendant que nos concurrents nord-américains et asiatiques usent et abusent des crédits d’impôts sectoriels – non condamnés par l’OMC – pour attirer chez eux nos entreprises et nos talents les plus innovateurs.
Cela ne peut plus durer.
Il n’y aura pas de relance durable de l’activité en Europe sans l’existence de véritables politiques industrielles européennes en aval des politiques de la recherche ou des politiques horizontales de renforcement de notre compétitivité.
Le problème de la fiscalité est une autre question à laquelle il faudra bien finir par s’attaquer sérieusement.
Trop d’États membres utilisent encore leurs politiques fiscales au détriment de leurs partenaires. Nous devons donc désormais nous efforcer d’utiliser systématiquement et conjointement politiques fiscales et politiques budgétaires d’investissement comme des outils au service d’une stratégie collective de relance économique, notamment en visant une véritable convergence fiscale entre les États membres.
Enfin, et pour conclure, je voudrais revenir sur la question de l’identification des domaines qui à l’échelle européenne sont, à notre sens, les plus stratégiques pour relancer durablement l’activité, notamment au travers du plan de 300 milliards d’euros.
Selon certaines déclarations, la Commission européenne souhaiterait faire porter, en premier lieu, l’effort d’investissement sur les grandes infrastructures de réseau.
C’est là un grand classique de la Commission en matière d’investissements européens et, ne le nions pas, c’est un enjeu très important tant en matière de cohésion européenne qu’en matière de développement économique durable de l’Union.
Mais nous pensons là encore que se focaliser trop exclusivement sur cette dimension risquerait, à notre sens, d’occulter deux enjeux tout aussi stratégique pour l’avenir de nos économies :
- d’une part, la nécessité de mettre en place une véritable filière européenne de l’industrie numérique si nous voulons pouvoir rattraper une partie de notre retard qui est considérable par rapport aux Etats-Unis et même par rapport à certains pays asiatiques.
- D’autre part, il y a aujourd’hui une urgence politique, économique et environnementale à renforcer nos capacités industrielles dans les domaines ayant trait à la transition écologique…
Monsieur le Ministre, là encore, nous aimerions entendre quelles sont vos priorité et celle du gouvernement s’agissant des orientations à donner au plan de relance préparé par la Commission européenne.
Je vous remercie. »