Retrouvez ci-dessous l’intervention d’André Gattolin dans le débat en séance, ce 11 décembre, sur le projet de loi de fiances rectificative pour 2014, portant sur le texte adopté par l’Assemblée nationale (seul le prononcé fait foi).
« Madame/Monsieur la/le Président(e),
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
Une fois n’est pas coutume, avant d’en venir au fond, j’aimerais aborder un point de méthode.
Le PLFR de fin d’année a théoriquement vocation à ajuster la politique budgétaire de l’année en cours, en fonction de l’évolution de la conjoncture et de l’exécution déjà réalisée.
Malheureusement, les gouvernements successifs ont pris l’habitude de faire de ce texte une sorte de voiture-balai fiscale, dans laquelle se retrouvent des mesures structurantes, qui auraient plutôt dû figurer dans le projet de loi de finances.
Le comble du raffinement est atteint lorsque de telles mesures sont introduites, non pas dans le PLFR lui-même, mais par des amendements au PLFR, souvent de dernière minute.
Bien qu’elle soit parfaitement constitutionnelle,
cette démarche, Monsieur le Ministre, pose plusieurs problèmes. D’abord, elle dispense le Gouvernement de produire une étude d’impact et de requérir l’avis du Conseil d’Etat.
Ensuite, elle pose un problème de calendrier. Le temps d’examen des textes financiers, en cette période, est toujours extrêmement contraint.
Ce PLFR a été transmis au Sénat mardi 9 décembre, il y a deux jours. Les amendements on été déposés ce midi, puis diffusés au cours de la journée.
Les services de la commission des finances et les groupes politiques n’ont que la nuit pour les examiner, avant la séance de demain matin.
Or, dans ce contexte déjà très exigeant, nous découvrons qu’à l’issue de la lecture à l’Assemblée nationale,
le nombre d’articles du texte initial a été triplé.
Le Gouvernement a une part de responsabilité prépondérante dans cet œdème législatif : non seulement du fait de ses amendements, mais aussi de ceux qu’il a, à l’évidence, fait porter par certains députés.
Nous pouvons comprendre, Monsieur le Ministre, que le Gouvernement ait eu des difficultés à boucler ses travaux en temps et en heure. Mais vous devez aussi comprendre, compte tenu de votre parfaite connaissance de la vie parlementaire, qu’agir ainsi ne permet pas au Parlement de travailler comme il le devrait.
Je crois sincèrement que si nos concitoyens connaissaient les conditions d’exercice du travail parlementaire, leur confiance en notre démocratie représentative en serait encore un peu plus ébranlée.
Parce que les écologistes sont profondément attachés au rôle du Parlement, je me devais, Monsieur le Ministre, de vous dire mon dépit face à cette manière de procéder. Si j’avais un souhait à former ici, ce serait que cette tendance, certes ancienne mais toujours plus marquée, à détourner le PLFR de son objet puisse enfin s’inverser.
Son réel objet, je l’ai dit, consiste à ajuster la trajectoire budgétaire. En 2014, nous assistons, comme en 2013, à un recul d’environ 11 milliards des recettes par rapport à la prévision, signe d’une atrophie progressive de notre économie.
Ces chiffres sont d’autant plus préoccupants que le CICE, considéré comme la pièce maîtresse du dispositif économique du Gouvernement, n’est même pas consommé intégralement et, comble de l’ironie, intervient du coup positivement dans la mise à jour du solde budgétaire.
Dans le même temps, les dépenses publiques continuent à être entaillées, avec d’inévitables conséquences récessives.
J’aimerais m’arrêter en particulier sur les crédits de la mission « Ecologie », malmenés cette année comme les précédentes.
A périmètre inchangé, le budget de l’écologie accuse une baisse cumulée de 1,65 milliards d’euros depuis 2012 et une suppression cumulée de 1641 emplois !
Les crédits du PIA, présentés comme une compensation, ont quant à eux déjà été rabotés deux fois cette année. D’abord dans le premier PLFR pour 2014, où 220 millions ont été transférés vers la recherche nucléaire.
Ensuite dans ce PLFR, où vous transférez à nouveau 146 millions de l’écologie vers le CEA et l’industrie des nanotechnologies. Au mieux, il s’agit d’une erreur politique, au pire, d’une véritable provocation !
En guise d’explication, on nous fait réaliser qu’il existe dans les PIA des centaines de millions d’euros dédiés à l’écologie et non utilisés !
Alors que le Président de la République vient de réaffirmer qu’il voulait une France écologiquement exemplaire, sans doute n’avons-nous besoin d’aucun investissement d’avenir en matière de transition écologique et énergétique ou de ville durable…?
Du discours aux actes, en matière d’écologie, il y a encore un grand pas que le Gouvernement peine manifestement à franchir…
Pour terminer, je voudrais mentionner deux sujets abordés dans ce texte et qui me tiennent particulièrement à cœur.
D’abord, la question de la TVA. Cet impôt, qui constitue notre principale ressource fiscale, est l’objet de fraudes massives, que les services de Bercy ont évalué à 10 milliards d’euros.
Lorsque la TVA a été perçue puis n’est pas reversée, il y a même là une forme de fraude particulièrement choquante, qui voit un entrepreneur se substituer à l’Etat pour subtiliser l’impôt des autres.
Je me félicite donc que le Gouvernement propose à nouveau, dans ce texte, des mesures fortes en la matière.
Néanmoins, lorsqu’on entend qu’une partie des services fiscaux se consacre désormais au traitement du CICE, on se dit qu’à effectifs constants, on pourrait encore faire mieux dans la lutte contre la fraude à la TVA!
Enfin, je veux parler de la non-déductibilité de la contribution des banques au Fonds de résolution unique.
Lorsque nous avons étudié, en octobre dernier, la transposition d’un ensemble de directives économiques et financières, j’avais déposé un amendement en ce sens. La commission comme le Gouvernement m’avait alors répondu que cette mesure n’était vraiment pas envisageable.
Aujourd’hui, je suis assez satisfait de constater que cette préoccupation a finalement été prise en compte par le Gouvernement, à l’instar de ce qui se fait en Allemagne.
Il me reste toutefois une interrogation. Vous avez fait le choix, Monsieur le Ministre, d’éteindre progressivement la taxe systémique, à laquelle vous considérez que le Fonds de résolution a vocation à se substituer.
Dès lors, compte tenu que le Fonds ne sera pleinement abondé qu’en 2023, pourquoi avoir envisagé l’extinction de la taxe systémique dès 2019 ?
Croisons les doigts pour qu’une crise bancaire n’intervienne pas dans l’intervalle…
Il me semble qu’il aurait été plus cohérent de faire coïncider les deux trajectoires et je proposerai d’ailleurs un amendement en ce sens.
Monsieur le Ministre, mes chers collègues, à cette heure, il ne nous a évidemment pas été possible de prendre connaissance des quelque 200 amendements déposés aujourd’hui sur ce texte.
Compte tenu des votes parfois surprenants dont nous a gratifiés la majorité sénatoriale à l’occasion du PLF, les écologistes ne détermineront leur position sur ce texte qu’à l’issue de la discussion.
Je vous remercie. »