Retrouvez ci-dessous le texte de l’intervention d’André Gattolin pour le groupe écologiste, ce 17 décembre, dans la discussion générale sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014, en deuxième lecture au Sénat (seul le prononcé fait foi).
« Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
Nous avions été nombreux à nous plaindre, en première lecture, du calendrier qui nous a été imposé pour l’examen de ce texte. Il fallait s’attendre à ce que la situation ne s’améliore pas en seconde lecture.
C’est en effet seulement cette nuit que nous avons pu prendre connaissance du texte adopté par l’Assemblée nationale, que nous sommes censés examiner à cet instant, alors même que notre matinée était occupée par une réunion de commission.
Comment ne pas voir, Madame/Monsieur la/le Président(e), mes chers collègues, que dans ces conditions, le travail de notre est assemblée devient factice…
Comme je l’avais souligné en première lecture,
ce problème de calendrier est renforcé par
la propension croissante du Gouvernement à confondre PLFR et PLF.
On peut en effet remarquer que sur les 112 articles que comporte désormais ce PLFR, seuls 9 ressortissent à la première partie. Autrement dit, ce PLFR pléthorique ne concerne quasiment pas l’année à laquelle il s’applique ! Ceci, Monsieur le Ministre, ne permet pas un débat parlementaire convenable.
J’espère donc sincèrement que l’année prochaine, nous pourrons étudier le PLFR dans des conditions plus satisfaisantes, que ce soit du point de vue du calendrier ou du point de vue de son contenu.
J’en viens à quelques brefs commentaires sur ce qu’il nous a été possible de saisir des modifications introduites par l’Assemblée nationale.
Je me félicite que les députés aient repris, à l’article 24, la formulation du Sénat à propos des exonérations fiscales consenties aux compétitions sportives internationales accueillies en France.
Si ces dispositions sont définitivement adoptées, cela interdira désormais que puissent être conclus des accords secrets, comme celui passé par la précédente majorité avec les organisateurs de l’Euro 2016.
A l’inverse, je regrette qu’à propos de la TASCOM, l’Assemblée nationale n’ait pas semblé retenir
la proposition du Sénat, qui consistait à intégrer, dans l’assiette de la taxe, les surfaces de stockage associées au commerce électronique ou au service en voiture
(le « drive »).
On peut toutefois penser que cette idée de bon sens va faire son chemin et que nous pourrons y revenir avec davantage de précision lors d’un prochain PLFR.
Je me réjouis que l’Assemblée ait rétabli la non-déductibilité de la taxe sur le risque systémique et de la taxe sur les bureaux. Compte tenu des amendements présentés par le rapporteur, je crains toutefois que ma satisfaction sur ce point ne soit que très éphémère…
J’aimerais également dire un mot de la fiscalité du tabac, à propos de laquelle des amendements adoptés en seconde lecture à l’Assemblée ont été supprimés en seconde délibération.
Les articles 31 duodecies et 31 terdecies proposent, sous des airs anodins, une réforme d’ampleur. Nul ne pourra contester que le mécanisme aujourd’hui en vigueur est incompréhensible.
Peut-être présente-t-il par ailleurs, comme l’affirment les industriels du tabac, désormais soutenus, sur ce point au moins, par le Gouvernement, des effets pervers.
Mais précisément parce que tout cela est extrêmement complexe, il n’est pas acceptable qu’une telle réforme, sur un sujet aussi sensible, soit expédiée par le biais d’un amendement.
D’ailleurs, alors même que l’amendement était d’origine parlementaire, vous avez précisé lors de notre discussion de vendredi, Monsieur le Ministre, qu’il reflétait une proposition du Gouvernement. Pourquoi donc ne pas avoir alors placé cette disposition directement dans le texte ?
De plus, au Sénat, le Rapporteur général avait déposé des amendements de suppression de ces deux articles, en cohérence avec sa stratégie globale, avant de se raviser quelques jours plus tard et de les retirer. Le fait est assez rare pour être souligné.
Nous connaissons tous la puissance des industriels du tabac et de leurs réseaux. Aux Etats-Unis, des historiens commencent à démontrer, archives à l’appui, les méthodes de ce lobby : désinformation, manipulation, entrisme etc.
En France, des documentaires ont décrypté leurs agissements, que l’on peut de toute façon aisément constater.
Dans ce contexte très lourd de suspicions légitimes, et compte tenu de l’enjeu sanitaire dramatique, je ne crois pas, Monsieur le Ministre, Monsieur le Rapporteur général, que la méthode utilisée pour mener cette réforme valorise la manière dont collectivement nous pratiquons la politique.
Pour finir, j’aimerais revenir d’un mot sur la question de l’assurance de l’énergie nucléaire, évoquée par l’article 35.
J’avais rappelé, en première lecture, que l’Etat est l’assureur de fait des exploitants nucléaires, compte tenu du fait que leur responsabilité est limitée à 700 millions d’euros alors que le coût d’un accident grave est évalué par l’IRSN à environ 700 milliards d’euros.
Je vous avais demandé, Monsieur le Ministre, et je vous renouvelle ma question, s’il ne faudrait donc pas, au titre de l’article 34 de la LOLF, que cette garantie d’Etat soit mentionnée en loi de finances. Cela ne modifierait ni le solde, ni la dette, mais cela contribuerait à la sincérité des finances publiques, qui pourraient être considérablement grevées en cas d’accident.
Monsieur le Ministre, mes chers collègues, parce que ce texte issu de l’Assemblée nationale n’aura pas le loisir de vivre une journée complète, il ne m’apparaît pas indispensable de vous donner la position du groupe écologiste à son endroit. Nous déterminerons notre vote à l’issue de ce débat, sur la base du texte révisé par le Sénat.
Je vous remercie. »