André Gattolin intervenait ce 17 décembre, pour le groupe écologiste, dans la discussion générale sur le projet de loi de finances pour 2015 en 2ème lecture et le projet de loi de programmation des finances publiques pour 2014-2019. Ci-dessous la transcription de son intervention (seul le prononcé fait foi).
« Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
Pour les deux projets de loi que nous examinons conjointement, l’Assemblée nationale a rétabli un texte plus conforme à la volonté du Gouvernement, mais elle a surtout rétabli un texte tout court, après la surprenante démarche qu’a adoptée la majorité sénatoriale en première lecture.
Dans le débat public, la droite n’a en effet pas de mots assez durs pour critiquer la politique gouvernementale de réduction des dépenses publiques, jugée beaucoup trop timorée. Les leaders de l’UMP mettent en avant la centaine de milliards d’économies qu’ils engageraient s’ils étaient aux responsabilités.
Or, voilà que depuis la rentrée, la droite est majoritaire au Sénat. Elle a eu les coudées franches, lors de cette longue séquence budgétaire, pour concrétiser les solutions qu’elle prône haut et fort pour la France.
Nous avons donc été plus qu’étonnés, mes chers collègues, de voir que la droite, loin d’appliquer le surplus d’austérité qu’elle revendique, a adopté en première lecture une loi de programmation des finances publiques… sans programmation des finances publiques ! Il n’était pourtant pas compliqué de donner dans ce texte un aperçu de la trajectoire budgétaire que l’opposition souhaite pour
la France.
Un scénario identique a été mis en place par la majorité sénatoriale à propos du projet de loi de finances, avec la suppression d’un grand nombre de missions, qui a empêché toute consolidation du solde. Si l’absence de toute trajectoire dans la loi de programmation laissait planer un doute quant au programme budgétaire de la droite, le PLF, lui, donne davantage d’indications.
En effet, lorsque l’on souhaite réduire les crédits d’une mission, il est toujours possible de le faire. Ce n’est donc pas de ce côté qu’il faut chercher la raison des suppressions de missions.
Si la droite les a supprimées, mes chers collègues, c’est qu’elle souhaitait en réalité les augmenter ! Cela a été le cas pour la mission « Education supérieure et recherche », dont la majorité sénatoriale a voté l’augmentation des crédits, avant de la supprimer.
C’est également le cas pour les missions que vous avez, par une pirouette sémantique, jugées « insincères », comme la « Défense ». Vous pouvez dire que vous considérez que certains crédits, comme le produit de la cession des fréquences, ne seront pas au rendez-vous et qu’il faut les remplacer par d’autres crédits plus sûrs.
C’est une position respectable. Mais elle vous conduit de fait à trouver de nouvelles recettes et donc, soit à augmenter la fiscalité, soit à dégrader le solde.
Les immenses lacunes laissées par le Sénat dans les textes que nous réexaminons aujourd’hui témoignent donc des immenses lacunes de l’opposition, et même de son absence de cohérence, en matière budgétaire.
Pour autant, j’ai eu l’occasion de le dire à maintes reprises, les écologistes ne se satisfont pas non plus du projet du Gouvernement.
Je ne reviens pas, à ce stade de la discussion, sur les arguments économiques et écologiques qui nous poussent à considérer qu’attribuer plus de 40 milliards aux entreprises sans critères ni contreparties, le tout étant financé par les ménages et les services publics, n’est pas un bon choix politique.
J’aimerais plutôt, pour clore cette séquence budgétaire, commettre un petit commentaire sur la marge de manœuvre qui est laissée aux parlementaires.
J’ai déjà évoqué, à propos du PLFR, la question du calendrier et de la mauvaise utilisation qui est faite de ce texte par le Gouvernement.
On pourrait parler aussi, ce serait un débat à part entière, des affres de l’article 40, de l’absurdité qui accompagne parfois sa mise en œuvre, et de la limitation qu’il impose, non seulement au droit d’amendement mais jusqu’au droit d’expression du parlementaire.
Je souhaiterais maintenant évoquer un élément, qui pour être plus technique, n’en est pas moins inquiétant à mon sens. Je veux parler de l’augmentation du niveau de la réserve de précaution, qui introduit une forme d’insincérité structurelle dans le budget.
Le taux minimal a été porté de 5 à 6% dans la loi de programmation, et le Gouvernement a choisi de porter le taux effectif de 7 à 8% pour l’année 2015.
Qu’en sera-t-il l’année prochaine ? Quelle sera la limite ?
Les crédits soumis au contrôle des parlementaires sont ainsi rognés, pour-cent par pour-cent. De plus, il s’agit là, en réalité, de réaliser des économies de dépenses non assumées, par le truchement des annulations de crédits de fin d’année.
A cela s’ajoute – il ne vous surprendra pas que j’y revienne – la mystification des crédits du PIA. Je pense en particulier à ceux de l’écologie mais le raisonnement est généralisable.
On nous avait présenté à l’époque les PIA comme l’antidote aux baisses de crédits. Quelque temps plus tard, dans des PLFR, on nous apprend que
les PIA « écologie » sont en fait fongibles avec les PIA « nucléaire militaire ».
Pour les écologistes, les PIA auront donc uniquement servi à tenter de faire passer la pilule de la baisse des crédits de l’ écologie, en la ventilant dans différents textes…
Monsieur le Ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, nous n’adhérons pas au texte qui nous est présenté. Pour autant, nous approuvons encore moins la stratégie de la fuite choisie en première lecture et confirmée aujourd’hui par la majorité sénatoriale.
Nous voterons donc contre les questions préalables qui nous seront soumises à l’issue de la discussion générale.
Je vous remercie. »