Contribution au fonds de résolution unique : retrouvez ci-dessous mon intervention du 16 mars 2015 en discussion générale au Sénat
La crise financière de 2008, par son ampleur systémique, a rapidement migré des banques vers les Etats, qui ont été contraints d’intervenir rapidement pour éviter que la contagion des faillites ne mette à bas l’ensemble du secteur.
Ces sauvetages ont pesé très lourd sur les finances publiques, prenant la
forme de recapitalisations ou encore de garanties, parfois explicites
comme pour Dexia, parfois implicites comme pour les grandes banques
universelles
françaises.
Ainsi, le risque pesant sur ces dernières a contribué à la
dégradation de la note de la France en 2012 et a donc renchéri le
financement de notre dette souveraine.
Plus généralement, le coût de la crise économique qui a succédé à la crise
financière a été – et est encore – largement supporté par les Etats.
Il suffit pour s’en convaincre d’observer l’évolution de l’endettement
public de la zone euro : jusque-là stable autour de 70% du PIB, il a
brutalement crû à
partir de 2008 pour atteindre plus de 90% du PIB.
Bien loin du discours à visée auto-persuasive et propagandiste des
banques, qui prétendent « avoir tout
remboursé », le coût de la crise financière pour les finances publiques,
dont un bilan précis reste à faire, semble donc faramineux.
C’est fort de cette triste expérience que les dirigeants européens se sont
engagés dans le chantier de l’union bancaire :
– d’abord pour mieux prévenir, par le biais de la supervision, les
potentiels errements des établissements financiers…
– mais également pour réduire, en mettant en place un
mécanisme de résolution, leur aléa moral.
Cette démarche européenne constitue clairement une avancée importante sur
la voie de la régulation financière.
Pourtant, nous nous sommes arrêtés au milieu du gué et la France, Monsieur
le Ministre, n’y semble pas totalement étrangère.
Le fonds auquel est adossé le mécanisme de résolution, et sur lequel nous
nous prononçons aujourd’hui, s’élèvera à terme à 55 milliards d’euros.
Serait-il suffisant dans l’hypothèse du défaut d’un de nos grands
établissements bancaires ?
Rappelons que parmi les 20 plus grandes banques mondiales figurent 9
banques européennes, dont 4 sont françaises. BNP-Paribas, par exemple, a
un bilan d’environ 1800 milliards d’euros !
Comme le souligne notre rapporteur général, vu leur taille, la probabilité
que les établissements français puissent faire utilement appel au fonds
est donc « très faible ».
En ce qui concerne la France, l’aléa moral et l’exposition du contribuable
ne se trouvent donc que très peu réduits par l’instauration de l’union
bancaire.
Or, ce choix revient au Gouvernement qui, dans la loi de séparation et de
régulation des activités bancaires, a préféré défendre les spécificités de
l’industrie financière française, dans une logique économique et
concurrentielle, plutôt que de s’engager dans une démarche résolument
régulatrice.
Dans cet esprit, on ne s’étonnera pas que la proposition de
Michel Barnier, en discussion au niveau européen, de filialiser les
activités de marché, ne recueille pas davantage son assentiment.
Les stress tests, qui ont été réalisés en octobre dernier et sont
présentés comme une garantie infaillible, ne sont pourtant pas de nature à
rassurer :
– Une bonne part des risques considérés sont évalués par les banques
elles-mêmes.
– De plus, les difficultés liées à la liquidité interbancaire, cruciale
notamment pour les activités de dérivés, sont très mal prises en compte.
Confortant le modèle français, le Gouvernement a même obtenu, lors de la
définition des contributions au fonds de résolution, que les banques
françaises ne payent qu’a minima leur exposition massive aux produits
dérivés.
Il s’est également battu pour que les contributions au fonds puissent
prendre partiellement la forme de simples engagements de paiement, plutôt
que de se traduire par des décaissements effectifs.
Enfin, au niveau national, l’introduction de la non-déductibilité fiscale
de ces contributions a été partiellement compensée par l’extinction
prématurée de la taxe sur le risque systémique.
Monsieur le Ministre, les écologistes s’étonnent de voir les intérêts de
notre industrie financière nationale primer à ce point sur les enjeux
européens de régulation et de maîtrise du risque.
D’autant que notre secteur bancaire ne rend pas vraiment la politesse.
Il est, en effet, encore trop souvent le bras armé d’une partie importante
de l’évasion fiscale qui coûte tant à l’Etat ; il finance trop peu
l’économie du pays et verse d’abondants dividendes.
Une étude de Henderson Global Investors, publiée en août dernier,
décrivait le secteur bancaire et assurantiel comme le plus généreux du
pays pour les actionnaires, la France étant elle-même le 1er pays européen
payeur de dividendes.
Dans le même temps, les PME et TPE se plaignent de ne plus
avoir accès au crédit…
Au-delà de la question du risque, repenser le modèle bancaire français,
dont la concentration est ancienne, aurait pu permettre de s’interroger
sur la pertinence économique de nos grands conglomérats nationaux.
Je pense en particulier au Crédit agricole et aux Caisses
d’épargne, qu’il aurait été plus judicieux de fusionner pour former de
puissantes banques régionales, à l’image du réseau allemand, qui n’est
peut-être pas pour rien dans le rayonnement du fameux Mittelstand que nous
envions tant !
En conclusion, cet accord témoigne malgré tout d’une dynamique européenne
positive, même si tout risque d’appel au contribuable n’est pas, loin s’en
faut, écarté, et les écologistes voteront en sa faveur.
Nous regrettons toutefois, comme ce fut déjà le cas à propos de la taxe
sur les transactions financières, que le soutien du Gouvernement français,
notamment, ne soit pas totalement acquis à l’intérêt général européen.
Pour le prochain combat, celui de la régulation de la finance parallèle,
dont le volume d’actifs est en passe d’égaler celui du secteur réglementé,
il est véritablement indispensable que nous soyons tous au rendez-vous.
Je vous remercie. »