Ce 1er avril 2015, j’intervenais dans la discussion générale sur la résolution européenne sur la lutte contre le terrorisme au Sénat; ci-dessous le texte de mon intervention:
Avant d’en venir au texte que nous examinons, et pour lequel j’ai été co-rapporteur avec Colette Melot au sujet de la lutte contre le terrorisme sur Internet, je souhaite saluer le rôle pro-actif de notre assemblée ces derniers mois sur cette question.
Cela a permis au Sénat d’être un acteur moteur dans un important travail de coopération européenne entre parlements nationaux, reflétant ainsi leur implication institutionnelle croissante, pleinement consacrée depuis le Traité de Lisbonne.
Face à une menace si grave, les citoyens – français comme européens – ont légitimement le droit de réclamer que leur sécurité soit garantie.
Nous ne pouvons passer sous silence cette attente de tous.
Nous avons le devoir, dans le respect de nos valeurs démocratiques et de notre attachement aux libertés fondamentales, d’honorer cette requête.
Le groupe écologiste votera donc en faveur de cette proposition de résolution européenne, malgré des réserves parfois sérieuses sur certains de ses éléments.
Nous la voterons, car elle a le grand mérite de mettre l’accent sur les maîtres-mots de la stratégie anti-terroriste, à savoir la coopération et la prévention, en engageant notamment d’importantes actions de sensibilisation et de pédagogie dans la lutte contre la radicalisation au sein de nos sociétés.
Ce texte incite également à combattre efficacement les sources de financement du terrorisme et le trafic d’armes à feu,
et exhorte à l’instauration rapide d’un parquet européen, collégial et décentralisé.
Il soulève aussi l’enjeu capital de la sécurité informatique dans des sociétés où la numérisation fulgurante et automatique des données et de l’information rend fragile tous les secteurs d’activité face à des cyberattaques d’envergure.
Enfin, l’évaluation systématique des instruments existants, ainsi que de ceux préconisés, est fondamentale, car elle permet d’expérimenter et de réajuster ces outils, sans sombrer dans le dogmatisme des solutions toutes faites sur un sujet complexe et malheureusement en perpétuelle transformation.
Nous voterons également en faveur des 2 amendements présentés par notre collègue, Jean-Jacques Hyest.
Nous adhérons en effet à sa position sur le point 50 relatif aux déchéances de nationalité, en affirmant qu’il s’agit là d’une question strictement nationale soumise à des procédures purement nationales, et qui n’a donc pas sa place dans un tel texte.
Lors du débat préalable au Conseil européen informel du 12 février dernier, largement consacré à la lutte anti-terroriste, j’ai eu l’occasion de m’exprimer sur l’importance d’une coopération européenne renforcée et d’une mise à disposition de moyens adéquats, à la hauteur de la gravité de la menace.
Je ne crois pas me tromper en affirmant que nous sommes tous convaincus de ce besoin.
Mais il ne suffit cependant pas d’être convaincus : les moyens alloués, tout comme la volonté d’agir, doivent également suivre.
Coordonner une opération entre corps de police d’un même État est déjà un défi en soi :
Imaginez donc celui qui consiste à vouloir coordonner les différents corps de police de 28 États membres, ne parlant pas forcément la même langue, n’ayant pas la même expérience de la menace terroriste, ni évidemment les mêmes cadres légaux…
Comprenez donc que, sans volonté et effort de coopération des acteurs opérationnels, toute incantation politique restera veine !
En ce qui concerne le PNR européen, les principaux points d’achoppement sont, comme j’ai déjà pu l’exprimer au sein de cet hémicycle, la durée de rétention des données et la surveillance de masse.
Une telle surveillance est en effet lourde et potentiellement très coûteuse, alors que la coopération policière et judiciaire manque de moyens.
Elle est aussi moins efficace qu’une surveillance ciblée, car elle rallonge la durée d’analyse des informations reçues.
Le Parlement européen s’est finalement prononcé le 11 février dernier pour la création d’un PNR européen d’ici fin 2015, et ce, tout en garantissant le respect des libertés individuelles, comme l’exige la Cour de justice de l’Union européenne.
Le texte que nous étudions adopte une position similaire, en prenant le soin d’assurer la protection des données personnelles.
Par ailleurs, nous sommes également conscients que l’alternative à cet outil serait vraisemblablement la juxtaposition de 28 PNR nationaux en dehors de tout cadre de coopération : ce n’est donc pas une meilleure solution !
Je ne suis, par ailleurs, pas pleinement convaincu de l’utilité de réviser le Code frontières Schengen, car, comme nous avons pu le constater, ces actes terroristes tendent à être de plus en plus endogènes et perpétrés par des « loups solitaires » qui ne sortent pas du territoire national.
Pour combattre le terrorisme à l’échelle transnationale, l’Union européenne doit s’inscrire dans une stratégie globale.
En effet, il apparaît crucial que son action ne soit pas sectorisée à l’extrême – comme c’est trop souvent son habitude, et encore moins focalisée sur la seule et stricte coopération policière et judiciaire.
L’Union européenne a, enfin, la volonté de dynamiser son industrie numérique, très en retard sur celle de nos principaux concurrents.
C’est évidemment une bonne chose !
Mais si cette volonté n’est portée que par une approche strictement économique, sans intégrer pleinement la question de la sécurité informatique, nous courrons alors vers un désastre annoncé.
Si j’évoque cette question, c’est que plusieurs directives sont actuellement en discussion, notamment celles sur la sécurité des réseaux et de l’information, dite SRI ou encore celle sur les données personnelles.
Il est donc temps que cette directive SRI aboutisse et intègre pleinement les défis de sécurité informatique auxquels nous sommes confrontés !
Sans cette cohérence, l’Union ne pourra intervenir qu’en réaction ! Alors que c’est en amont et en logique de prévention que nous devons d’abord agir !
Je vous remercie. »