Le Sénat ébauche les contours d’un audiovisuel public moderne
Les faits – La commission des Finances et celle de la Culture, de l‘éducation et de la communication du Sénat ont présenté ce mardi 32 propositions en vue de revoir intégralement le mode de fonctionnement de l‘audiovisuel public français et son financement. Ce plan quinquennal très ambitieux prévoit à terme la naissance d’un groupe unique, France Médias.
L‘audiovisuel public n’a plus de temps à perdre. «Son modèle économique est au bord du gouffre», constate Jean-Pierre Leleux, sénateur Les Républicains des Alpes-Maritimes, et co-rapporteur avec André Gattolin (EELV), de la mission «Pour un nouveau modèle de financement de l‘audiovisuel public». Après six mois de travaux, les deux parlementaires livrent un provision adogmatique et ancrée dans la réalité.
Signe de la détermination des rapporteurs, le projet se veut «un ensemble de mesures cohérentes et indissociables». Pas question donc de piocher et de laisser le chantier en jachère. L‘objectif affiché est clair : constituer au 1er janvier 2020 un groupe unique regroupant l‘ensemble des sociétés de l‘audiovisuel public. Une gageure, dont les ambitions d’organisation et de financements laissent présager de futures passes d’armes.
Exit par exemple le CSA. France Médias serait dirigée par un président-directeur général nommé par son conseil d’administration, comme n’importe quelle autre entreprise. Jean-Pierre Leleux l‘a souligne : «Il faut sortir du dialogue polluant sur la désignation des patrons de l‘audiovisuel». Le Conseil supérieur de l‘audiovisuel perdrait donc sa prérogative de nomination pour ne conserver que son rôle de «contrôle». «Il peut éventuellement y avoir un gendarme extérieur», ajoutait presque cruellement Jean-Pierre Leleux en évoquant le rôle de l‘institution présidée par Olivier Schrameck.
D’ici cette échéance, la classe politique devra surtout s’attacher au financement de ce nouveau géant de l‘audiovisuel. Pour y parvenir, les rapporteurs entendent tout remettre à plat. Fin des dotations budgétaires, comme la «taxe telco», censée compenser l‘arrêt de la publicité sur France Télévisions et depuis diluée dans l‘abyssale déficit budgétaire, et instauration d’une redevance «universelle». Une transformation en deux temps. D’abord une augmentation de deux euros de l‘actuelle contribution à l‘audiovisuel public, conditionnée à «la définition d’objectifs chiffrés d’économies», puis son application, sur le modèle allemand, à l‘ensemble des ménages français. Plus d’un million de foyers deviendraient ainsi redevables, pour un gain estimé à 152 millions d’euros annuels. Il pourrait même grimper jusqu’à 500 millions en fonction de la manière dont est affinée l‘assiette de cette redevance, par exemple si les résidences secondaires venaient à être taxées.
La publicité pourrait également faire son retour après 20 heures sur les écrans de France Télévisions. Si les deux sénateurs n’y sont pas personnellement favorables, ils estiment que la situation actuelle est «ambiguë et néfaste» pour France Télé. Celle-ci devra cependant être limitée aux annonceurs selon des critères de «publicité raisonnée». C’est-à-dire ne concerner que des sujets comme le non gaspillage ou le développement durable. Une restriction qui entraînerait fatalement «une baisse des ressources», prévient Jean-Pierre Leleux, qui tient à «privilégier la qualité à la quantité».
Une manière pour les deux rapporteurs de rappeler un des mantras qui a conduit leur travaux : «Money for value». «Les programmes actuels du service public ne sont pas mauvais, mais ils n’ont pas atteint le plein niveau qui justifie pour chacun le paiement d’un impôt». Autrement dit, les sénateurs veulent enclencher une dynamique positive et inscrire France Médias dans une ère de modernité et d’obligation de résultats. Reste à savoir quel avenir la classe politique réservera à un des projets les plus ambitieux jamais porté pour l‘audiovisuel public français.