Réducations des moyens de l’écologie, débat sur la fiscalité écologique reléguée au PLFR : les écologistes ont voté contre les crédits de la mission écologie dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, aujourd’hui au Sénat. Ci-dessous l’intervention d’André Gattolin ce 1er décembre en hémicycle :
Monsieur le président, Monsieur le ministre, Mes chers collègues,
Le temps n’est pas si loin où les écologistes s’attiraient des railleries en évoquant le réchauffement climatique.
Combien de fois nous sommes-nous entendus répondre :
« Où est le problème ? Ce serait agréable quelques degrés de plus, on pourra tomber la veste ! »
Il est vrai que le changement climatique est un risque difficile à appréhender.
Ses effets ne sont pas aussi circonscrits, aussi fulgurants ni aussi sanguinaires que ceux du terrorisme.
On peut mourir de la dégradation de l’environnement et du climat, mais indirectement et le plus souvent à petit feu.
Pour autant, et heureusement, la gravité de la situation climatique ne fait, heureusement, plus sérieusement débat.
On peut d’ailleurs savoir gré au Président de la République d’avoir contribué à cet éveil des consciences, en choisissant
d’accueillir à Paris la COP21.
Mais alors, comment croire que le budget qui nous est présenté ici est celui du pays hôte de cette conférence dite de la dernière chance ?
Comme chaque année, les crédits de l’écologie sont en baisse, les emplois sont en baisse et la mission fait partie des plus touchées.
S’il fallait ne retenir qu’un chiffre, ce pourrait être la suppression de 7476 emplois ETPT en trois ans, qui représente une baisse des effectifs de l’ordre de 20 % !
A ce rythme, on peut s’attendre à la prochaine disparition du ministère de l’Ecologie et à son remplacement, à Bercy, par un secrétariat d’Etat à la fiscalité écologique au service du redressement productif de la nation…
A ces données de départ peu engageantes, s’ajoutent les nombreuses contractions de dépenses qui ne manqueront pas d’émailler encore toute l’exécution budgétaire.
Comme le note notre rapporteur spécial, Jean-François Husson, pour 2015, les effets cumulés de la réserve de précaution et des annulations diverses en cours d’année ont réduit d’environ 10% les crédits de l’écologie votés en loi de finances initiale.
A ces difficultés, s’ajoute l’existence de ressources extra-budgétaires et de dépenses fiscales significatives.
Les premières relèvent pour beaucoup de circuits de financement assez opaques, comme les Programmes d’investissement d’avenir (PIA), ou bien d’une affectation seulement très partielle à la transition écologique, comme la CSPE.
Quant aux secondes, les dépenses fiscales, leur rattachement technique à la mission « écologie » n’en fait ni des dépenses environnementales – je pense notamment aux multiples exonérations de TICPE sur les énergies fossiles – ni des dépenses nécessairement bien calibrées – je pense cette fois aux questions soulevées par le crédit d’impôt transition énergétique (CITE).
Si le CITE s’apparente à une dépense de guichet pas forcément simple à prévoir, l’explosion de son coût peut tout de même laisser soupçonner soit un mauvais ciblage initial, soit à une sous-estimation inquiétante des besoins.
Le secrétaire d’Etat au budget n’est donc pas toujours convaincant quand il renvoie systématiquement au volume de ces dispositifs, en réponse à toute question sur la baisse du niveau des crédits.
De plus, il est quand même osé de considérer que la hausse d’une dépense fiscale vient compenser l’amoindrissement de services et de ressources humaines, dotés de compétences et d’expertises.
Ce ne sont pas des bouquets de travaux éligibles au CITE qui préviendront les prochaines catastrophes météorologiques, à la place des 80 % des départs de salariés de Météo-France qui ne sont pas remplacés. Une fois de plus, la prévention des risques est sacrifiée pour laisser place à de futures coûteuses réparations.
S’il apparaît donc assez clairement que l’écologie constitue une des principales variables d’ajustement budgétaire du Gouvernement, l’opacité et la complexité de la structure en jeu ne permettent toutefois pas de s’en faire une idée précise.
C’est pour cela que depuis un an maintenant, je demande au secrétaire d’Etat au budget de fournir à la représentation nationale une vision consolidée des sommes effectivement alloués à de véritables fins écologiques.
Cela nécessiterait également, pour que l’évaluation fasse sens,
d’y intégrer de manière distincte toutes les dépenses anti-écologiques.
Des ONG avaient évalué il y a 2 ans à 20 milliards d’euros le montant des niches favorables au carbone.
A quoi il faudrait également ajouter le coût faramineux des subventions implicites de l’Etat à l’industrie nucléaire.
Au passage, je rappelle qu’EDF a été condamnée fin juillet par la CJUE à rembourser à l’Etat français 1,37 milliards d’euros d’aides fiscales indues perçues en 1997.
Malgré de grands discours du Président de la République, le Gouvernement n’a, pour l’heure, encore jamais vraiment saisi la dimension transversale de l’écologie.
Quitte à se lancer dans une politique de l’offre, il y avait pourtant une opportunité formidable dans le principe même de développer les aides aux entreprises.
Il suffisait de les conditionner, au moins partiellement, à la réduction de l’empreinte écologique, que ce soit par une reconversion intégrale de leur activité ou par une optimisation partielle de leurs procédés.
De même, la fiscalité écologique n’a de sens que si son produit est réinvesti dans l’adaptation de l’économie aux nouvelles contraintes environnementales et climatiques.
Malheureusement, le Gouvernement a choisi dès le début de l’affecter au financement du CICE, qui perpétue le vieux modèle productiviste.
Aujourd’hui, il l’utilise pour alimenter le budget général, allant jusqu’à réinventer une sorte de vignette automobile, en affectant la fiscalité sur le diesel aux baisses d’impôts des plus âgés.
Tout en s’en défendant, c’est ainsi que le Gouvernement alimente lui-même l’idée d’une écologie punitive, nous faisant ainsi passer à côté de son énergie positive et créatrice.
Face à un budget toujours en baisse et une fiscalité écologique reléguée en PLFR, les écologistes proposent de rebaptiser la mission « écologie » en « mission impossible » et voteront contre ses crédits.
Je vous remercie.