Dématérialiser le journal officiel : tel est l’objectif de ce texte de mon collègue Vincent Eblé, que le groupe écologiste a voté. J’y suis bien plus favorable que la dématérialisation de la carte d’électeur : l’utilisation des nouvelles technologies doit être décidée au cas par cas. Ci-dessous le prononcé de mon intervention ce soir :
« Monsieur le Président, Madame la Ministre, Mes chers collègues,
La commission mixte paritaire a adopté de façon unanime la proposition de loi portant sur la dématérialisation du journal officiel présentée par notre collègue Vincent Eblé.
Je tiens ici à souligner la qualité et la pertinence de son travail et à remercier, mes collègues membres de la CMP, pour ce bel d’élan d’unanimité.
En acceptant ce changement de support de diffusion du JO, nous allons renforcer, j’en suis persuadé, la position de la France au classement mondial de l’« e-gouvernement » réalisé, tous les deux ans, par le Département des affaires économiques et sociales de l’ONU.
En 6ème position en 2012, la France est passée à la 4ème place en 2014 derrière la Corée du sud, l’Australie et Singapour ; elle est le premier pays européen.
Cette classification montre encore une fois que notre pays sait évoluer contrairement à ce qui est répété à longueur de temps.
Par contre, nous ne faisons pas suffisamment acte de volonté didactique vis-à-vis de nos concitoyens.
C’est au regard de cette considération que je souhaiterai attirer votre attention sur deux points.
En commission, la possibilité accordée – grâce à un amendement très pertinent de nos collègues Mézard et Collombat – à tout administré de demander la communication sur papier d’un extrait du journal officiel l’intéressant a fait beaucoup débat.
Un des arguments soulevés contre cette procédure a été la possibilité qu’elle donne lieu à une guérilla procédurale prenant la forme de demande de reproduction d’une page en milliers d’exemplaires en vue de provoquer la paralysie de l’administration.
Pour illustrer cette hypothèse, un de nos éminents collègues de la Commission des lois a pris l’exemple – évidemment fictif – de possibles manœuvres de ce type lors de débat environnemental.
Prêter ce genre de pensée à des défenseurs de l’environnement, c’est bien mal les connaître.
Et, disons-le clairement, si certaines formes de recours, parfois discutables voire abusives, émanent de la part de certains de nos concitoyens c’est bien souvent parce que nos procédures de concertation en amont des décisions prises ne sont pas toujours à la hauteur de celles qui ont cours chez beaucoup de nos voisins européens.
Améliorer l’accès à l’information officielle est une chose ; mettre en œuvre la concertation et le débat public en amont des choix pris par les pouvoirs publics en est une autre et je ne suis pas certain que le classement de notre pays en la matière soit aussi flatteur que celui concernant l’e-administration !
Mais j’arrête là ma réflexion sur les formes que peut prendre l’expression citoyenne.
Car j’ai bien noté que les membres de la commission ont exprimé leur pusillanimité en limitant ce droit à reproduction via la reprise de la formule de la loi du 17 juillet 1978 sur les demandes abusives.
L’autre remarque que je souhaite faire concerne la fracture numérique et, de façon plus large, la question de l’accès équitable à la connaissance que chaque citoyen français doit avoir de ses droits et de ses obligations.
J’insiste à nouveau sur cette problématique que j’ai déjà soulevée lors de la discussion budgétaire sur la mission « Administration générale et territoriale de l’Etat ».
Dans la volonté actuelle de faire du tout numérique, on oublie trop souvent que les Français ne possèdent pas tous un ordinateur et surtout que les usages communs d’Internet sont loin de correspondre à tous les potentiels technologiques offerts par ce nouvel outil.
Savoir aller trouver l’information pertinente dans la jungle de l’Internet où se confondent vraie et fausse information, information institutionnelle et communication commerciale n’est pas donné à tout le monde.
Les moteurs de recherche supposés nous aider en la matière sont souvent vérolés par le business du référencement développé par ceux-ci.
Il n’existe pas à ma connaissance d’étude sérieuse permettant d’évaluer le « ranking » des sites institutionnels dans l’ordonnancement des références proposées par le moteur de recherche en position ultra-dominante dans notre pays.
Et cela est bien dommage car il nous fournirait un bon indicateur de performance de nos administrations publiques en matière d’information diffusée par elles au sein de la sphère Internet !
Si je me félicite du processus de dématérialisation du JO que nous allons adopter, je ne pense pas qu’il soit pertinent de l’appliquer systématiquement et sans discernement à tous les actes de la vie citoyenne.
Je pense particulièrement au projet de dématérialisation des cartes d’électeur ou de la propagande électorale.
Ces projets viennent après ceux de l’utilisation de machines à voter qui remplacent dans de nombreuses villes le vote papier.
Je me permets de vous rappeler que le développement de cette technique devait garantir plus de fiabilité lors des opérations de dépouillement.
Or comme le constate le dernier rapport portant sur les municipales de 2014 de l’Observatoire du vote, les résultats électoraux issus de bureaux de vote équipés d’un ordinateur de vote présentent davantage d’incohérences que ceux provenant de bureaux de vote équipés d’une simple urne.
Les écarts constatés ne peuvent être imputés à la nouveauté puisque dans les communes étudiées, les dispositifs de vote électronique sont en usage depuis 8 à 10 ans.
Cet exemple illustre à nouveau le fait que le recours aux nouvelles technologies doit être considéré au cas par cas.
Pour conclure, et concernant le sujet qui nous occupe c’est bien naturellement que le groupe écologiste votera en faveur de ce texte.
Je vous remercie. »