Intervention en séance publique au Sénat le 10 janvier 2017 (à revoir également en vidéo) :
« Monsieur le président, Monsieur le secrétaire d’Etat, Mes chers collègues,
Les deux textes que nous examinons aujourd’hui en troisième lecture traitent d’une question, à notre sens majeur mais trop longtemps évacué sous le tapis de l’organisation contemporaine de notre démocratie, à savoir la question des contours et des modes de fonctionnement de ces fameuses autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes qui n’ont eu cesse de se multiplier en France au cours des 4 dernières décennies.
Je tiens tout d’abord à saluer le climat transpartisan et très constructif dans lequel les débats entourant l’élaboration de ces 2 textes ont pu se dérouler, et ce dans un laps de temps relativement court depuis leur dépôt, le 7 décembre 2015.
Je veux, au nom du groupe écologiste, féliciter nos collègues Marie-Hélène Des Esgaulx et Jacques Mézard pour la richesse, la finesse et la grande pertinence des travaux qu’ils ont conduit au sein de la commission d’enquête à l’origine de ces deux propositions de loi qu’ils ont déposées avec Jean-Léonce Dupont.
Leur rapport parlementaire avait, avec beaucoup de justesse, mis en lumière les nombreuses dérives qui pouvaient entourer cette prolifération d’autorités indépendantes depuis la création de la toute première d’entre elles : la Commission nationale de l’informatique et des libertés en 1978.
Les dérives n’ont en effet pas manqué depuis cette date.
Que ce soit d’abord dans le caractère parfois anarchique de la prolifération de ces autorités indépendantes.
Que ce soit au niveau du contrôle démocratique et parlementaire souvent faible de celles-ci, en dépit des prérogatives très significatives qui leurs sont déléguées.
Ou que ce soit encore au niveau de leur recrutement excessivement endogamique et d’un déficit de stricte déontologie qui frôle parfois la ligne rouge du conflit d’intérêts.
Il faut avoir l’honnêteté de reconnaître que, en tant que législateur, nous avons souvent contribué à la multiplication parfois désordonnée de ces autorités et à la construction de ce que nos deux collègues ont qualifié, de manière certes un peu provocatrice, d’une forme d’ « Etat dans l’Etat ».
Parfois parce que cela nous apparaissait être comme une solution de repli face à un problème difficile que nous n’arrivions pas à résoudre autrement, mais sans que cela soit toujours aussi efficace que souhaité et véritablement légitime d’un strict point de vue politique.
Sur le fond, le groupe écologiste soutient la présente démarche qui vise à circonscrire plus efficacement les défauts qui entourent ce type de dispositifs et ainsi à gagner en cohérence, en transparence et en éthique démocratique.
C’est là la voie à prendre pour répondre à la défiance croissante de nos concitoyens à l’endroit de nos institutions comme à l’égard de notre administration, et renforcer les missions fondamentales principalement assignées à ces autorités, à savoir la protection des libertés publiques ou la régulation de secteurs économiques ouverts à la concurrence.
Dès lors, nous saluons la compétence exclusive de création d’autorité administrative ou publique indépendante donnée au législateur, tout comme l’élaboration – enfin – d’un statut commun pour ces autorités, avec un corpus déontologique et des principes fondamentaux communs encadrant leur fonctionnement et leur organisation.
Ainsi, une meilleure transparence autour de ces acteurs est à présent exigée, notamment à travers un contrôle renforcé des obligations déclaratives des membres de ces autorités auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
Ceci était d’autant plus nécessaire que, comme l’a souligné le rapport de la commission d’enquête du Sénat, pas moins de 102 des 571 membres devant déposer leurs déclarations d’intérêt et de situation patrimoniale, n’avaient toujours pas satisfaits à leur obligation au 1er octobre 2015, malgré une information des présidents de leur autorité et une double relance !
Par ailleurs, le groupe écologiste se félicite de voir exaucer son souhait de maintenir le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, la Commission nationale du débat public et le Médiateur national de l’énergie dans la liste exhaustive et réduite des autorités administratives ou publiques indépendantes. C’est une bonne chose, eu égard au rôle essentiel qu’elles assument dans notre société.
Des regrets toutefois !
Nous regrettons en effet que le régime de non-renouvellement et de non-cumul des mandats des membres de ces autorités ait été atténué par rapport à la proposition sénatoriale initiale.
De même, l’ambition de soumettre toutes les nominations de présidence de ces autorités à la procédure prévue par l’article 13 de la Constitution a été revue à la baisse, et c’est bien dommage ! Ce mécanisme aurait eu l’avantage de permettre plus de transparence et un véritable contrôle parlementaire sur lesdites nominations.
Nous déplorons également que le régime des incompatibilités de ces mandats avec les fonctions de magistrats professionnels ou de membres du Conseil d’Etat ait dû être affaibli au profit d’un consensus.
Aujourd’hui, près de deux tiers des présidents d’autorités administratives indépendantes sont des conseillers d’État ou des magistrats de la Cour des comptes.
Ce qui nous amène à nous interroger sur cet entre soi regrettable qui s’est au fil du temps institué.
Malgré ces quelques reculs résultant des divergences de vues entre nos deux assemblées, ces deux textes constituent néanmoins une grande avancée.
Par conséquent, le groupe écologiste votera en faveur de ces deux propositions de loi et de loi organique. Je vous remercie. »