J’intervenais pour le groupe écologiste dans les Questions d’actualité au gouvernement (QAG) du 17 janvier 2016. À voir en vidéo et à relire ci-dessous dans le compte-rendu des débats en séance publique :
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe écologiste.
M. André Gattolin. Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
Jamais depuis sa création, il y a bientôt soixante ans, l’Union européenne n’aura fait l’objet d’une telle entreprise de déstabilisation et encouru un tel risque de désintégration. Elle n’est en effet plus seulement en proie à des divisions internes, des réactions nationalistes et des accès de populismes, elle fait aussi l’objet d’attaques croisées, de la part tant de la Russie que désormais des États-Unis, au travers des propos très vigoureux prononcés par leur nouveau président élu qui, après s’être félicité du Brexit, appelle dorénavant d’autres pays à suivre la voie du Royaume-Uni.
M. Trump, puisqu’il faut le nommer, s’est également livré ce week-end à une charge inédite contre l’OTAN.
Il devient ainsi évident que les États-Unis, sans abandonner le commandement de l’OTAN, entendent exiger des États membres qu’ils rehaussent leurs dépenses militaires conformément à leur engagement d’y consacrer 2 % de leur PIB d’ici à 2025.
Aussi, dans ce contexte qui s’accompagne d’un changement profond de stratégie géopolitique de notre allié historique, peut-on, monsieur le ministre, faire plus longtemps l’économie d’une véritable armée commune européenne ? Certes, la France et l’Allemagne ont, le 11 septembre dernier, proposé la mise en œuvre d’une coopération structurée permanente en matière de défense. Elle a été présentée lors du dernier Conseil européen, mais les échanges sur ce sujet ne figurent malheureusement pas dans les conclusions.
Plus récemment, lors de ses vœux aux forces armées, le Président de la République a proposé de porter notre effort de défense à 2 % du PIB, mais sans évoquer de contribution spécifique à la défense européenne.
Alors, monsieur le ministre, la France et l’Allemagne entendent-elles à présent développer plus avant leur proposition lors de la tenue, le 3 février prochain, du sommet européen de Malte consacré à l’Europe ? Il y a, je crois, vraiment urgence en la matière.
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur le sénateur, vous avez raison de poser la question de la sécurité en Europe, de celle des Européens. Il faut appréhender cette question avec beaucoup de clairvoyance, car le monde change et de nouvelles menaces apparaissent. Je pense à la menace terroriste, mais également à toute une série d’évolutions technologiques, comme les cybermenaces, qui nécessitent sur l’ensemble des flancs d’assurer notre sécurité en Europe, notamment avec l’OTAN. Cela a été décidé en juillet dernier à Varsovie lors du dernier sommet de l’OTAN, où étaient présents les États-Unis.
L’Europe doit prendre sa part de façon complémentaire, non pas en se substituant. Vous avez évoqué la perspective des 2 % : il est effectivement nécessaire d’augmenter l’effort de défense au sein de l’Europe.
Pendant longtemps, le sujet a été tabou. Je ne reviendrai pas sur les débats relatifs à la Communauté européenne de défense, car cela nous ramènerait trop loin. Il est vrai que, jusqu’à présent, de nombreux pays étaient réticents. Mais, face à la nouvelle donne internationale et à l’attitude américaine – une certaine forme de désengagement –, une prise de conscience a eu lieu. Elle a permis au Conseil européen d’adopter, le 15 décembre dernier, une orientation en matière de défense.
Vous avez raison, l’Allemagne et la France ont pris leur part pour préparer les conditions de cet accord politique. J’ai fait, avec mon homologue Frank-Walter Steinmeier, des propositions ; Jean-Yves Le Drian en a fait de même avec Ursula von Der Leyen. Nous avons été moteurs dans cette affaire.
Nous avons maintenant les grands axes d’une ligne stratégique, d’une autonomie de décision. Dans le même temps, le principe d’un fonds de financement a été décidé, qu’il faudra bien sûr débloquer pour mettre en œuvre une politique de recherche et d’armement. Il est très important de préserver notre autonomie.
Nous en sommes là ; nous avons fait de considérables bonds en avant, mais, en effet, le moment est venu de réaffirmer la nécessité de la cohésion et de la solidarité européennes.
Vous avez eu, au début de votre propos, des mots assez durs lorsque vous avez évoqué les adversaires de l’Europe. Ils existent, certes, et nous les connaissons depuis longtemps ; toutefois, il me semble que la meilleure réponse ne réside pas dans la polémique, mais dans l’unité et la cohésion de l’Europe, au travers, par exemple, d’engagements concrets en matière de défense, qui en sont une très belle illustration.