Intervention en séance publique, le 21 février 2018, dans la discussion générale de la proposition de résolution européenne relative au libre-échange entre l’Union européenne, l’Australie et la Nouvelle-Zélande :
« Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tout d’abord, je veux me réjouir que nous puissions nous prononcer ce soir sur les orientations à donner aux deux mandats de négociation en vue d’un accord de libre-échange entre l’Union européenne et l’Australie, d’une part, et la Nouvelle-Zélande, d’autre part.
Je tiens à remercier tout particulièrement nos collègues Pascal Allizard et Didier Marie, à l’origine de cette proposition de résolution, et M. le secrétaire d’État Jean-Baptiste Lemoyne, qui suit ces dossiers avec vigilance et une grande ouverture d’esprit.
Si, à l’instar du Président de la République et du Gouvernement, nous ne cessons de prôner le retour à une approche multilatérale des échanges économiques, et pas uniquement de ces derniers, nous sommes aussi conscients que l’inertie actuelle de l’OMC ne doit pas pousser l’Union européenne à la paralysie.
L’Europe doit continuer de s’affirmer comme une puissance économique et utiliser l’existence d’accords bilatéraux de libre-échange comme un levier pour promouvoir des normes européennes ambitieuses, aussi bien sur le plan sanitaire et environnemental que sur celui, que l’on oublie souvent de citer, du respect des droits fondamentaux.
La Nouvelle-Zélande et l’Australie sont pour nous des partenaires historiques, dotés d’institutions démocratiques, avec lesquels nous ne devons cesser de renforcer nos relations, tant pour notre bien réciproque que pour celui de l’ordre mondial.
Ces dernières années, ces deux pays ont, chacun de leur côté, multiplié les accords commerciaux avec d’autres partenaires. La Chine, le Japon et la Corée du Sud sont devenus des fournisseurs et des clients de premier ordre pour ces deux nations. Récemment, vous le savez, les États-Unis ont renoncé à développer leurs relations commerciales avec la zone Pacifique, mais pas seulement avec elle.
Plus récemment encore, la décision britannique de quitter l’Union pourrait avoir des conséquences majeures sur les échanges commerciaux importants qui subsistaient, notamment entre le Royaume-Uni et ces deux membres historiques du Commonwealth. Il importe donc que l’UE puisse maintenir des relations économiques étroites avec ces deux pays.
Le Premier ministre australien, en visite à Londres en juillet dernier, a d’ailleurs rappelé que, s’il était « très désireux de nouer des accords commerciaux avec le Royaume-Uni après sa sortie de l’UE », il souhaitait en premier lieu conclure un accord avec l’Union européenne.
De fait, nos pays bénéficient d’une balance commerciale nettement excédentaire avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande, ce que je n’ai pas entendu jusqu’à présent, mais cette situation est loin d’être acquise compte tenu des bouleversements en cours dans le commerce mondial.
Aussi, même si ces deux projets d’accord se profilent sous de bons auspices et dans des perspectives globalement positives, nous devons cependant être vigilants, tant sur le fond que sur les modalités des négociations à ouvrir, car l’hostilité manifestée par nombre de nos concitoyens à l’égard du TAFTA, des accords CETA ou des négociations actuelles avec le Mercosur crée un climat de défiance fort à l’endroit de tous les traités en cours de discussion ou à venir.
L’Union européenne semble en avoir tiré les conséquences, au moins en partie. Les engagements pris par la Commission dans son nouveau paquet « commerce » de septembre dernier sont plutôt encourageants, même s’ils méritent certainement d’être encore approfondis, comme le préconisent les auteurs du texte que nous examinons. Une véritable transparence devrait être imposée quant au mandat de négociations confié à la Commission.
Toutefois, ces négociations doivent être menées avec lucidité et sans naïveté. Aussi, je me félicite de l’action offensive menée par notre gouvernement à travers son plan d’action pour la mise en œuvre du CETA, qui pousse la Commission européenne à adopter une posture plus ambitieuse, lors de prochaines négociations commerciales, en faveur d’une meilleure prise en compte des enjeux sanitaires et de développement durable, ainsi que de la lutte en faveur de la préservation du climat.
Je veux saluer ici l’ambition du Gouvernement d’intégrer dans les futurs accords commerciaux un renvoi explicite à l’accord de Paris et à la coopération dans la lutte contre les changements climatiques.
De même, il faut reconnaître que les engagements pris d’associer le Parlement à ses travaux et de le tenir informé tout au long de la conduite des négociations commerciales vont dans le bon sens. J’espère seulement que cette volonté sera reprise non seulement par les autres États membres, mais aussi par la Commission.
Comme nos collègues rapporteurs de cette proposition de résolution, je ne vous cache pas que le groupe La République En Marche du Sénat est lui aussi très sensible à la délicate question des secteurs précisément qualifiés de sensibles.
Nous nous inquiétons, comme d’autres, de l’insuffisante prise en compte des impacts négatifs de la libéralisation des échanges. En l’état actuel, les pays de l’Union sont dans une situation de faiblesse compétitive face à la Nouvelle-Zélande et à l’Australie dans un certain nombre de secteurs, notamment agricoles, puisque nos filières sont tenues de respecter des exigences environnementales, sanitaires et phytosanitaires, ainsi que des normes en matière de bien-être animal, qui sont bien plus élevées.
L’Australie est notamment un producteur significatif de sucre, tandis que la Nouvelle-Zélande est actuellement le plus grand exportateur de produits laitiers au monde. Dès lors, il apparaît essentiel de veiller à protéger nos produits agricoles sensibles, qu’il s’agisse des filières bovines, ovines, laitières, ou encore des produits des régions ultrapériphériques, en particulier les sucres. Et cette sensibilité doit absolument être prise en compte dès le mandat de négociation.
À ce sujet, et compte tenu des diverses négociations en cours, nous demandons que l’UE adopte une approche fondée sur le cumul des concessions effectuées dans les négociations passées avec celles qui sont en passe de l’être dans d’autres négociations à venir, produit sensible par produit sensible, au regard de la capacité d’absorption du marché intérieur. Une telle approche à la fois cumulative et panoptique serait une partie du remède face à des inquiétudes bien légitimes.
Pour conclure, au-delà de ces points de vigilance et sous réserve du sort qui sera réservé à ses amendements, le groupe La République En Marche votera en faveur de ce texte. »