Devant l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, André Gattolin est intervenu ce 25 avril dans le débat sur les rapports concernant la protection de l’intégrité rédactionnelle et sur le statut des journalistes en Europe.
Retrouvez ci-dessous le texte de son intervention :
« Monsieur le Président, Mes chers collègues,
Un mot tout d’abord pour saluer la qualité du rapport de notre collègue Volodymyr Ariev. Il tente dans ce riche document d’identifier les principaux moyens aujourd’hui mis en l’œuvre, y compris en Europe, pour s’attaquer, de façon frontale ou détournée, à l’«intégrité rédactionnelle, c’est-à-dire à l’exercice libre, indépendant et honnête du métier de journaliste.
Et cette tâche n’est pas mince, tant les instruments déployés sont de nature multidimensionnelle, recoupant certaines pratiques malheureusement anciennes comme l’intimidation, la violence ou l’invention par certains Etats de législations toujours plus sophistiquées pour contrer les investigations de la presse.
S’y ajoutent d’autres facteurs qui tiennent aux transformations qui bouleversent actuellement les équilibres traditionnels du monde de l’information, avec des modèles de financement de plus en plus fragilisés les médias traditionnels qui réduisent leur indépendance et leurs capacités journalistiques ; l’émergence des plateformes numériques qui s’imposent comme le véhicule privilégié de toutes sortes de flux d’informations indiscriminées ; l’irruption dans ce paysage confus de fausses nouvelles qui, à la longue, viennent décrédibiliser auprès de l’opinion l’ensemble des structures de presse, quel qu’en soit le support.
Garantir la qualité de l’information, l’indépendance des journalistes et le droit de savoir est donc plus que jamais un objectif majeur pour assurer la vitalité démocratique de nos sociétés.
A ce propos, le Parlement français a adopté, il y a 2 ans, une loi visant à renforcer le pluralisme des médias. Elle a introduit de nouvelles garanties de liberté et d’indépendance pour l’ensemble des médias, telles que l’extension à tous les journalistes du droit d’opposition, fondé sur la notion de « conviction professionnelle ».
Le champ des bénéficiaires de la protection du secret des sources a été étendu aux directeurs de la publication ainsi qu’aux collaborateurs de la rédaction, donc aux pigistes.
La définition des atteintes indirectes au secret des sources a également été élargie.
Vous l’avez compris, j’apprécie les recommandations faites par le rapporteur.J’ai toutefois un léger différend avec le paragraphe 3 de la proposition de résolution qui préconise une dépénalisation de la diffamation. Dans une loi récente, nous avons en France choisi d’aggraver les sanctions pénales liées aux délits de diffamation publique à caractère sexiste, racial, homophobe ou religieux.
Pourquoi avoir choisi la voie de la pénalisation ?Parce que, paradoxalement, pour les journalistes eux-mêmes, la pénalisation encadrée, avec des peines prévisibles, protège mieux l’organe de presse que la seule responsabilité civile avec les lourdes réparations en dommages et intérêts qu’elle peut impliquer. »