André Gattolin est intervenu ce 4 décembre en séance publique pour défendre la mission Culture du projet de loi de finances pour 2019 :
« Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Mes chers collègues,
Trop souvent les commémorations ne sont qu’une occasion de ressasser un passé glorieux pour tenter, un instant, d’oublier un présent peu engageant.
Le Ministère de la Culture vient assez discrètement cette année de fêter le 60ème anniversaire de son existence et, le moins qu’on puisse dire, c’est que cette presque vieille dame n’a rarement été aussi radieuse.
Lorsque André Malraux prit, le 24 juillet 1959, les rênes du tout nouveau ministère des affaires culturelles, taillé sur mesure pour lui par le Général de Gaulle, ils étaient peu nombreux – y compris dans les rangs gaullistes – à croire à sa pérennisation au-delà de celui qui l’incarnait.
Et pourtant, aujourd’hui en 2018, le Ministère de la Culture est toujours là et bien là avec un budget à un cheveu à peine du mythique objectif de 1 % du budget global !
Un budget en progression pour la seconde année consécutive et qui situe notre pays dans les premiers rangs européens en termes de dépenses publiques consacrées à la culture par l’Etat.
Mais la valeur des politiques publiques engagées dans le domaine culturel ne saurait s’apprécier qu’à l’aune quantitative de son poids dans le budget de l’Etat, même si celui-ci ne doit pas être minoré.
Nous-mêmes, parlementaires – et quelle que soit notre appartenance politique – sommes toujours tentés d’exiger plus sur tel ou tel domaine de l’action culturelle pour lequel nous nous passionnons.
D’abord, parce qu’au fil des décennies, l’Etat est de moins en moins l’acteur prédominant qu’il fut par le passé en matière d’investissements culturels de la France.
Les territoires, et en particulier les municipalités, occupent désormais une place majeure dans ce domaine. L’investissement privé, notamment au travers du mécénat, n’est pas en reste non plus…
La valeur des politiques publiques engagées en matière culturelle repose tout autant sur leur dimension qualitative à travers les missions et les objectifs que nous leur fixons.
Aussi, si le président de la République, le gouvernement, et bien sûr vous Monsieur le Ministre, avez fait de la culture une priorité – objectif que je partage pleinement – c’est que vous êtes convaincus que celle-ci n’est pas qu’un vecteur majeur d’attractivité économique et touristique, mais qu’elle est aussi et d’abord un outil de cohésion nationale, d’inclusion sociale et de lutte contre toutes les disparités et notamment celles territoriales.
Mais la culture ne peut être cet outil d’une pleine citoyenneté intelligente et intelligible que si elle s’adresse véritablement à toutes et à tous.
Favoriser le dynamisme de la création artistique et culturelle dans notre pays ; protéger, entretenir et enrichir notre patrimoine national ; faire rayonner la culture française dans le monde, ce sont là 3 objectifs majeurs assignés au Ministère de la culture à sa création en 1959, et ils demeurent aujourd’hui, 60 ans après, toujours pertinents.
Mais comme je l’avais, ici même l’an passé, assez longuement développé, nous avons largement failli quant à la mise en œuvre d’une quatrième autre grande mission assignée à ce ministère : à savoir, celle d’assurer la l’accessibilité à tous de la culture dans notre pays.
Au sens démocratique du terme, c’est d’ailleurs la plus noble de toutes les missions assignées à la culture, mais c’est aussi la plus difficile à mettre en œuvre.
C’est précisément, et sans négliger les 3 autres missions fondatrices du Ministère de la culture, celle que la majorité issue des élections de l’an passée s’est fixée comme prioritaire.
Cette volonté politique d’affronter enfin le défi de l’accessibilité de la culture de qualité au plus grand nombre, c’est celle qui, dans cette mission budgétaire, s’incarne notamment à travers – et à nouveau cette année – une augmentation très sensible des crédits de soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle : Près de 200 Millions d’euros dédiés en 2019 contre seulement 119 Millions d’euros en 2017.
Soit une augmentation de 56 % en deux ans !
La mise en œuvre de cette mission d’accessibilité accrue à la culture est bien loin de se résumer à ce seul investissement.
Elle est désormais un axe transversal de presque toutes les autres missions assignées au Ministère de la Culture.
Je ne pourrais ici, par manque de temps, détailler toutes ces initiatives.
Je ne retiendrais ici que celles qui me semblent les plus emblématiques et les plus prometteuses.
La meilleure circulation sur tout le territoire des grandes œuvres que recèlent nos musées parisiens a déjà été engagée, tout comme la volonté de faire davantage tourner en France les spectacles mis en scène par nos grands théâtres nationaux.
Par ailleurs, l’élargissement des horaires d’ouverture de nos bibliothèques et nos musées dépasse aujourd’hui largement le stade de l’expérimentation.
Cette démocratisation de l’accès à la culture passe bien évidemment aussi par plus d’investissements de l’Etat dans nos territoires.
Paris a trop longtemps été privilégié dans ce domaine et c’est pourquoi le gouvernement a décidé d’accroître sensiblement les crédits déconcentrés avec notamment le développement d’un fonds en faveur du patrimoine des petites communes (celles de moins de 10 000 habitants).
Car comme je l’ai déjà dit cette mission visant à un accès élargi aux richesses de notre culture passe par une plus grande équité territoriale – ce qui n’a pas été toujours le fort du Ministère de la Culture par le passé – et par une approche transversale qui touche les actions consacrées à la création que celles consacrées au patrimoine.
A ce propos, je ne peux manquer d’exprimer ici ma satisfaction quant à l’engagement budgétaire pris en faveur du lancement du projet de la Cité de la Francophonie à Villers-Cotterêts !
La réhabilitation du château de Villers-Cotterêts pour en faire un lieu dédié à la langue française et à la francophonie est loin d’être un projet de portée uniquement symbolique qui aurait soudainement germé au plus sommet de l’Etat.
Il répond à la demande ancienne et au travail acharné de mobilisation en sa faveur de plusieurs associations locales que j’ai eu l’occasion de rencontrer.
Enseignant depuis nombre d’années l’histoire des politiques culturelles à l’université, je peux vous garantir que les plus grands spécialistes de ce domaine s’accordent tous pour dire que l’ordonnance de Villers-Cotterêts prise en 1539 constitue l’acte fondateur de toutes les politiques publiques culturelles dans notre pays.
Notre langue est et reste notre principal patrimoine commun et le premier outil de circulation et de partage de notre culture.
Elle mérite qu’on lui consacre un haut lieu dans ce pays, qui plus est hors de Paris, dans cette petite ville des Hauts-de-France.
Pour toutes ces raisons et bien d’autres que je n’ai malheureusement pas eu le temps de développer ici, le Groupe La République en Marche votera avec un enthousiasme non feint en faveur des crédits de cette mission tels que proposés par le Gouvernement.
Je vous remercie. »